mardi 23 novembre 2010

KONAN BEDIE REMPORTE LA PRESIDENTIELLE. Le boycottage du scrutin par l'opposition a échoué.


La Croix

24 octobre 1995

Côte d'Ivoire. KONAN BEDIE REMPORTE LA PRESIDENTIELLE. Le boycottage du scrutin par l'opposition a échoué. ABIDJAN. DE NOTRE ENVOYEE SPECIALE.

AUTEUR: POMPEY Fabienne

RUBRIQUE: REPORTAGE; MONDE; Pg. 8

LONGUEUR: 609 mots

Henri Konan Bédié a été élu dimanche président de la République de Côte d'Ivoire. Il est le second à porter ce titre depuis l'indépendance du pays en 1960. Le "Sphinx" _ sa discrétion lui vaut ce surnom _ succède donc à Félix Houphouët-Boigny décédé en décembre 1993. Le résultat est sans surprise: plus de 90% des suffrages exprimés contre moins de 10% à son challenger, Francis Wodié, du Parti ivoirien des travailleurs (PIT), formation confidentielle dont il est le seul député à l'Assemblée.
Les chiffres de participation _ 70% annoncés dimanche à 20 heures, révisés à 60% lundi matin _ ont, en revanche, surpris et coupé court aux pronostics confidentiels des observateurs qui tablaient sur 30 à 50%. Malgré la crainte de violences et l'appel au "boycottage actif" du Front républicain regroupant les deux principaux partis de l'opposition, le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, et le Rassemblement des républicains (RDR), les électeurs qui souhaitaient voter se sont donc rendus aux urnes. Même à Yopougon, la plus vaste commune d'Abidjan, réputée pour être un fief de l'opposition, qui promettait d'être le "quartier de tous les dangers", celui des dérapages et des incidents. Or, dimanche, elle est restée plutôt calme malgré un incident mineur. "J'ai attendu de savoir si ça chauffait ou non avant de me décider", explique une jeune femme.
Le matin, sous la pluie battante, pas un badaud dans les rues, pas une marchande d'alloko (bananes grillées) et quelques rares voitures. De toute façon à Yopougon, comme dans le reste, de la capitale et du pays, le scrutin a débuté avec retard, ici faute d'urne, là faute d'isoloir. Même si l'après-midi, Yopougon a repris une activité quasi normale, on ne se bousculait pas devant les urnes. Sans doute en raison des rumeurs d'attaques imminentes des bureaux de vote par des militants de l'opposition. Les incidents n'ont pas manqué, mais un seul a vraiment dégénéré, à Dabakala (350 km au nord d'Abidjan) où les partisans et opposants à K. Bédié se sont affrontés et où plusieurs bureaux de vote ont été saccagés.
Ces "menaces" d'attaques, avec pour preuve deux urnes brisées, ont été mises en avant lorsqu'à 18 heures, à la clôture du scrutin, les forces de l'ordre se sont soudain déployées pour collecter les urnes et les ramener à la mairie pour le dépouillement. Finalement, à Abidjan, les électeurs qui voulaient voter ont pu le faire: le "boycottage actif" n'a pas eu le succès escompté.
Seul le pays Beté à l'ouest, dont est originaire Laurent Gbagbo, où les principaux axes routiers avaient été coupés par l'opposition, n'a pratiquement pas voté. A Gagnoa, les électeurs n'ont pu se rendre aux urnes qu'à la préfecture sous haute protection militaire.
Principal incident de la journée: deux personnes ont été tuées par balle dans un village du nord du pays, vers la frontière burkinabé, et une autre aurait été tuée à Dabakala, à 350 km au nord d'Abidjan. Pourtant, il y a quelques jours, ils étaient nombreux à prédire l'éclatement de la Côte d'Ivoire, les journaux agitant même le spectre de la guerre civile.
"L'armée a dissuadé les gens de manifester", constatait un assistant dans un bureau de Preischville, un quartier populaire d'Abidjan. Discrètes, les bandes armées n'en étaient pas moins présentes, venues renforcer police et gendarmerie qui ne disposent environ que de 14 000 hommes. Dans le nord du pays, des "chasseurs" en costume traditionnel, armés de vieux fusils à plombs leur ont également prêté main-forte.
Henri Konan Bédié est donc président pour cinq ans. Reste à savoir quelle sera l'attitude de Laurent Gbagbo lors des législatives, le mois prochain.
Fabienne POMPEY

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