dimanche 19 février 2012

Please, Liberez nous de Sarkozy!


Hypnoprésident

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PAR DIDIER PÉRON

Que montrer quand il n’y a plus rien à voir ? Cette semaine, comme une queue de comète en voie d’extinction à l’heure de la mise à feu, Sarkozy, encore et toujours. En couv de Libé et des autres quotidiens, des hebdos, à la télé, et sur nos murs via les affiches de campagne.
Cette hypnose, qui confine au culte de la personnalité, relève depuis cinq ans du bastonnage public jusqu’à ce que mort s’en suive. Vous n’en pouvez plus ? Vous en voulez encore ? Le Président parle à l’oreille des journalistes qui le suivent : «Sans moi, vous allez vous embêter. Qu’est-ce que Libération va devenir ?»
Le pire, c’est qu’il le pense. Depuis cinq ans, ce n’est pas seulement le niveau du débat politique qui s’est dangereusement effondré à coup d’annonces grotesques et de débats idéologiquement biaisés, c’est la capacité du citoyen lambda à détourner le regard de ce pôle hyper-attractif qu’est devenu l’omniprésident. Sarkozy est cette ampoule absurde que le junkie fixe d’un regard vide dans sa chambre de désolation. L’ampoule au plafond n’est pas la drogue, elle ne contient aucune jouissance, aucune plénitude, mais elle s’impose comme la forme que l’œil errant agrippe dans un mouvement réflexe, pavlovien. Comme si la lumière et la faible chaleur contenue dans la petite boule de verre prête à exploser pouvait remplir l’espace immense libéré par le manque.
Mercredi, en pages Evénement avec la une titrant «Sur la ligne du départ», on pouvait voir cette image du Président, pas encore candidat, à l’usine Photowatt de Bourgoin-Jallieu (Isère). Une usine de panneaux solaires bonne pour mettre la clé sous la porte, avant l’opération de sauvetage opportuniste avec coup de fil au pote Henry Proglio afin qu’EDF reprenne l’entreprise.
Le photographe Laurent Troude a couvert ce déplacement : «D’habitude, le protocole est très compliqué, les photographes sont toujours parqués au fond, de face, de manière à avoir à un certain type d’images officielles. Cette fois, je ne sais pas pourquoi, c’était différent, j’ai pu me déplacer plus librement et me mettre sur le côté, ce qui est assez exceptionnel. Il a la main dans la poche, on voit cette fille qui a les bras croisés avec un air de défi. Je suis toujours frappé par le mélange de répulsion et d’attirance qu’on trouve chez les gens qui sont présents à chacune de ces opérations. Même s’ils ne voteront pas pour Sarkozy, ils sont fascinés, ils veulent le photographier, lui toucher la main.»
Laissez le regard se balader hors des cadres de la stricte communication politique et soudain, la fatigue du visage et du tissu de la veste apparaissent au grand jour. La tension charismatique du leader de droite - généralement véhiculée par l’iconographie stéréotypée de l’homme volontaire : marchant à vive allure en direction de l’objectif, ou l’index menaçant pointé en direction du visage de son interlocuteur - est ici remplacée par la vision d’un chanteur à cheveux gris, come-backantcomme un perdu et sur le point d’entamer à la demande d’absolument personne sa rengaine des années 70, «le travail, c’est la santé» (avec la choriste blonde un peu pincée derrière : «I’m a hard working giiiiirrrll»).Le spectacle continue ? Vraiment ?