mercredi 14 octobre 2009

Enquête sur les présumés “détournements” dans la filière café-cacao : Des ex-dirigeants emprisonnés dénoncent le juge d`instruction…

jeudi 15 octobre 2009

C`est manifestement un tournant dans l`enquête sur les présumés "détournements massifs" dans la filière café cacao. En effet, quatre ex-dirigeants et non des moindres, ont décidé, bien qu`étant en prison, de ne plus répondre aux convocations du Doyen des juges d`instruction, le magistrat Ladji Gnakadé, en charge du dossier. Il s`agit d`Henri Kassi Amouzou (ex-président du conseil de gestion du Fdpcc), Kouassi Théophile (ex-Dg du Fdpcc), Aka épouse Elloh Evelyne (ex-Dg de Coco Service) et Houssou épouse Obodji Roselyne (ex-Daaf du Fdpcc). En plus de ne plus vouloir s`expliquer sur cette affaire devant le juge d`instruction, ils ont également demandé à leurs avocats de se "déporter" c`est-à-dire, informer le juge qu`ils ne suivront plus la procédure pour le compte de leurs clients tant qu`il n`y aura pas un changement dans la conduite de l`enquête. Ils se récusent donc dans cette procédure devant le juge d`instruction. C`est du moins ce qui ressort d`un courrier adressé au juge d`instruction et dont nous avons eu copie (voir fac similé). De source judiciaire, il ressort que les avocats en question ont effectivement informé le juge de leur décision, hier mercredi 14 octobre. Et cette décision extrême prise par les quatre détenus signifie d`abord que ces derniers ne font plus confiance au juge d`instruction qu`ils soupçonnent de mener son enquête avec partialité. Ensuite, elle signifie (et cela est la conséquence de ce qui précède) qu`ils récusent le juge d`instruction qu`ils ne considèrent plus comme apte à mener les enquêtes "…la confrontation avec le ministre Dano Djédjé Sébastien nous a paru totalement biaisée en ce que les vrais problèmes n`ont pas été abordés. Nous ne nous expliquerons désormais que devant le Tribunal Correctionnel s`il était saisi avant le 29 novembre 2009". Comme nous l`écrivions hier, le juge d`instruction a décidé de prolonger la détention préventive des ex-dirigeants de 4 nouveaux mois pour (selon une source judiciaire) "la sauvegarde des preuves et la manifestation de la vérité". Et cette nouvelle prolongation qui court jusqu`au mois de février 2010 est perçue par les ex-dirigeants emprisonnés, comme une volonté manifeste de la part des "commanditaires" de tout mettre en œuvre pour ne pas qu`il y ait procès avant l`élection présidentielle. C`est ce qui explique le délai du 29 novembre fixé par les quatre ex-dirigeants pour que leur dossier soit transmis au Tribunal correctionnel par le juge d`instruction. Il apparaît donc clairement qu`il y a, au jour d`aujourd`hui, une véritable crise de confiance entre le Doyen des juges d`instruction et ces détenus. La question qui se pose à présent est de savoir ce que va faire le juge d`instruction devant cette attitude. Va-t-il contraindre les détenus par la force publique à se rendre dans son cabinet comme la loi lui en donne le droit ? Et dans ce cas, peut-il les obliger à parler s`ils refusent de le faire ? Rien n`est moins sûr. Mais au-delà de tout ce qui pourrait se passer, la décision des 4 détenus est la manifestation du ras-le-bol de ces derniers devant une procédure politiquement surmédiatisée à son début et qui dure depuis maintenant 16 mois sans que nul ne sache si les accusations "télévisées" portées en violation du principe constitutionnel de la présomption d`innocence, aient été étayées par un début de preuve. Et le fait que des détenus dénoncent le juge d`instruction ne rassure personne quant à la suite de cette procédure. "La constitution a changé le statut de la justice qui est passée d`Autorité judiciaire à Pouvoir judiciaire. Tout ceci exige des magistrats qu`ils exercent leur office avec honneur et dignité, dans la rigueur et le respect scrupuleux de la loi. Le juge n`a pas pour mission de rendre des services à quiconque et c`est pour cela qu`il n`est soumis seulement qu`à l`autorité de la loi. Si ceci est compris et préservé, la justice sortira grandie de cette affaire au bénéfice de la République de Côte d`Ivoire" avait dit M. François Komoin (ancien président du Tribunal de Plateau) la semaine dernière dans les colonnes de Fraternité matin, à propos justement de cette enquête dans la filière. La suite de la procédure lui donnera-t-elle raison ?
ASSALE TIEMOKO

Enquête dans la filière café - cacao Pourquoi l’enquête commence à faire peur

Des têtes vont encore tomber
• jeudi 15 octobre 2009 par Hermance KOUKOUA-N’TAH


« Si la filière café - cacao est un panier à crabes, on trouvera bien une solution pour saisir tous les crabes et les discipliner ». Dixit G.N, président d’une coopérative de la filière café - cacao qui a requis l’anonymat avant de faire des commentaires sur l’enquête diligentée depuis quelque temps dans la filière café - cacao et qui fait trembler nombre d’acteurs du secteur. Selon lui, les producteurs de café et de cacao ne peuvent pas s’imaginer comment l’argent est brassé dans le milieu. « Ils ne peuvent ni s’imaginer comment l’argent de la filière est facilement détourné ni comment le désordre promu nuit aux producteurs. C’est maintenant que les Ivoiriens auront quelques informations sur ce qui se passe réellement dans la filière », a-t-il confié. Faisant allusion aux auditions du doyen des juges d’instruction, Ladji Gnakalé Joachim, notamment aux confrontations entre les ministres ayant géré la filière et les ex-dirigeants du secteur détenus à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), cet expert de la filière café - cacao a dénoncé les mauvaises pratiques qui ont amené le Président Gbagbo à ordonner une enquête en octobre 2007. En effet, cette enquête diligentée par le procureur de la République Tchimou Raymond vise la filière café-cacao depuis sa libéralisation ainsi que la circulation des ressources et des flux financiers de chacune des structures dirigeantes de la filière. Notamment, le Fdpcc (Fonds de développement et de promotions des activités des producteurs de café et de cacao), la BCC (Bourse du café et du cacao), le Fgccc (Fonds de garantie des coopératives de café et de cacao) et le Frc (Fonds de régulation et de contrôle du café et du cacao). Après avoir entraîné l’incarcération d’une vingtaine de cadres des structures de la filière dont plusieurs barons notamment Henri Kassi Amouzou (ex-président du Fonds de développement et de la promotion des activités des producteurs de café et de cacao / Fdpcc), Tapé Do (ex-président de la Bourse du Café et du Cacao / Bcc) et Angeline Kili (ex-présidente du Fonds de régulation et de contrôle du Café et du Cacao) depuis juin 2008, l’enquête suit son cours avec des rebondissements. Il s’agit notamment des confrontations annoncées des cinq ministres qui ont plus ou moins géré la filière café - cacao depuis la libéralisation en 2000.

Ce qui fait peur aux ministres

Après leurs premiers témoignages autorisés par le Gouvernement ivoirien devant le doyen des juges en octobre 2008, personne n’avait, en effet, imaginé que le juge Ladji Gnakalé Joachim rappelait les ministres Amadou Gon Coulibaly de l’Agriculture, Charles Koffi Diby de l’Economie et des Finances, Paul Antoine Bohoun Bouabré du Plan et du Développement, Dano Djédjé de la Réconciliation nationale et Alphonse Douati de la Production et des Ressources halieutiques pour confrontations avec les « prisonniers du café et du cacao ». Malgré plusieurs rendez-vous ratés du fait de la mauvaise volonté des ministres, c’est finalement le ministre Dano qui a pourtant accpté de se jeter à l’eau. Mais que de frayeurs ! Selon des indiscrétions, l’enquête judiciaire dans la filière café cacao n’a pas fini de dévoiler tous ses secrets. Pour cause, les sources avancent que le ministre Dano Djédjé aurait beaucoup souffert lors de sa confrontation avec Henri Amouzou et Firmin Kouakou (ex-directeur général du Frc et Dcc du Président Gbagbo de Bouaflé Firmin Kouakou). On parle de deux milliards de francs Cfa du FDPCC à Dano Djédjé pour le compte de la Chambre d’Agriculture, deux autres milliards pour l’inscription des étudiants qu’il n’a pas remis au CROU, de 450 millions de francs Cfa des dirigeants de la filière pour l’organisation des funérailles du père du Président Gbagbo, d’un don d’un véhicule, de 200 millions de francs Cfa du FRC pour l’effort de paix, etc. La suite de l’enquête nous en dira certainement plus. « Les Amouzou ont fait le grand déballage, et Dano Djédjé n’a pu nier certaines choses. Le ministre est sorti très meurtri de cette confrontation », a-t-on appris. En tout cas, à la suite de cette autre audition inédite, le doyen des juges d’instruction sait désormais si le ministre Dano Djédjé et ses collègues sont impliqués ou non. Et, si après les autres confrontations des ministres, il constate qu’il y a anguille sous roche, il peut envisager d’interpeller le Président de la République en vue d’actionner le président de l’Assemblée nationale pour la mise sur pied de la Haute Cour de Justice. Or, dans un tel cas, il est clair que les ministres n’auront plus que leurs témoignages à donner. Ils devront absolument se défendre s’ils ne veulent pas aller à la MACA. « Cette suite possible fait peur à tous les ministres qui ont géré la filière à un moment ou à un autre », fait savoir un observateur. Faisant allusion au ministre Amadou Gon Coulibaly, il a indiqué que ce dernier n’a pas tort de demander d’abord la mise sur pied de la Haute Cour de Justice. Mais, le paradoxe c’est qu’une première fois il a accepté de se présenter devant le juge d’instruction à titre de témoin, mais pour la dernière confrontation il refuse parce que cela devenait plus sérieux. « Le Président Gbagbo ne veut lâcher prise. Il est dans une logique de la Justice fait son travail. Cela signifie que s’il s’avère que les ministres sont impliqués, il leur fera payer. Parce qu’ils se seront rendus coupables de détournements de deniers publics », a laissé entendre un producteur averti. Ainsi, malgré toutes les assurances à eux faites, si l’on constate que les ministres sont impliqués, il leur sera demandé de démissionner pour que l’enquête suive véritablement son cours. Et, une fois que la Haute Cour de Justice est mise en place, elle pourra alors procéder au jugement des ministres. Autrement dit, l’idée de l’incarcération de ministres dans le cadre de la filière café - cacao n’est pas du tout à écarter. Mais, en attendant cette autre évolution, le doyen a décidé de proroger la durée de détention des détenus de la filière café - cacao.

Une autre violation ?

Or, proroger la durée de détention des détenus de la filière, c’est aller contre la volonté des avocats des détenus qui plaident depuis un moment pour leur libération. Pour une question de respect de leurs droits humains. En effet, en janvier 2009, des dirigeants de la filière café - cacao, incarcérés pour de présumées malversations, ont porté plainte contre l’Etat de Côte d’Ivoire auprès de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao) pour « violations de droits de l`Homme ». Dans un communiqué, leur avocat avait dénoncé la « violation du principe de la présomption d`innocence », la « violation des règles de la détention préventive » et l’ « atteinte au droit à un procès équitable » de responsables de la filière cacao. Une prorogation de leur détention à la MACA qui s’oppose à l’idée de liberté des détenus de la filière. En fait, après l’assignation le 24 septembre dernier à Abuja, le libellé du procès de Abuja (Nigeria) relatif aux ex-dirigeants de la filière café - cacao incarcérés à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) a été fixé au 18 novembre 2009. Si prorogation de détention, il y a eu, alors l’Etat de Côte d’Ivoire a peu de considération pour le libellé dudit procès. Avec Me Aka Narcisse comme avocat des incarcérés et Me Essis comme celui de l’Etat de Côte d’Ivoire, les débats, semble-t-il, se sont bien déroulés, selon nos sources. A en croire le défenseur des ex-dirigeants, l’intérêt de la défense étant lié au contentieux relatif à la violation des droits de l’Homme des responsables de ladite filière. Pour rappel, des dirigeants croupissent à la Maca depuis juin 2008. Aucun parmi eux n’a encore réussi à obtenir la liberté provisoire. Selon Me Aka Narcisse, la présomption d’innocence dont devraient bénéficier ses clients n’est pas effective. Mieux, toutes les demandes de mise en liberté provisoire ont été rejetées, au motif que « la détention des inculpés reste nécessaire à la manifestation de la vérité ». La plainte déposée contre l’Etat de Côte d’Ivoire devant la cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à Abuja, au Nigeria, vise le respect des droits des détenus. Or, toute prorogation de leur détention nuit au principe du respect de leurs droits huimains. Premier producteur mondial de cacao, la Côte d`Ivoire détient plus de 40% de parts de marché. Le cacao et le café représentent 40% des recettes d`exportation du pays et environ 20% de son produit intérieur brut.