jeudi 17 janvier 2013

Mali : pourquoi il ne fallait pas y aller


Jeudi 17 Janvier 2013 à 15:12 

GUY SITBON - MARIANNE

Nos objectifs de guerre et les conditions du retour de nos soldats dans leurs foyers, Hollande les a fixés : détruire les terroristes, permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale, rétablir des autorités légitimes, amorcer un processus électoral.


SIPA
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Nos objectifs de guerre et les conditions du retour de nos soldats dans leurs foyers, Hollande les a fixés : détruire les terroristes, permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale, rétablir des autorités légitimes, amorcer un processus électoral. La France entière, fleur au fusil, acclame ses résolutions. Or, on peut avancer sans l’ombre d’un doute qu’aucune de ces missions n’est réalisable. Aucune, pas même en rêve. Dans l’Afrique des années 40, 50, c’était encore jouable. De nos jours, aucune force au monde ne pourrait y prétendre. Ni l’Amérique, ni la Chine et surtout pas nous. Nous sommes, par beau temps, une grande Suède, pas une petite Chine. Quêter plus haut que son écu, n’est pas convenable.  
  
L’islamisme djihadiste, par les temps qui courent, prospère sur sa lancée. Il s’entend merveilleusement à tirer parti de la misère. Il embauche des guerriers pour trois sous, leur offre une vie exaltante d’aventure, de spiritualité et met leur famille à l’abri du besoin. Plus nous lui tapons dessus, mieux il se porte. L’AQMI, Ansar el Din et leurs pareils vont sortir de là plus dodus et plus populaires que jamais.  
  
Réfléchissons un instant. S’il suffisait d’une campagne pour éliminer le djihadisme au Sahara, voilà belle lurette que l’Algérie aurait fait le travail. Elle est postée en toute première ligne. C’est sur son propre domaine, parmi les siens que la guérilla métastase. Son armée s’est forgée une expérience incomparable dans ce type de combat ces vingt dernières années. 200.000 Algériens y ont laissé la vie. Pas folle, l’Algérie a privilégié « la négociation ». Elle connaît trop bien la loi des sables mouvants sahariens. Pour y avoir vécu enfant et y avoir trainé mes bottes de reporter, j’en ai aussi une idée. Après le Mali vient le Niger, puis le Tchad, le Burkina Faso, et j’en passe.   
  
Il y avait urgence, je sais. Urgence pour qui ? Pour le gouvernement de Bamako, sûr. Pour beaucoup de Maliens, mêmement. D’autres Maliens pensent ou se battent dans le camp adverse. Ils se chamaillent. C’est leur affaire. Mettre le doigt dans leur querelle, c’est y laisser la main, le bras et le reste. C’est piétiner le château de sable sahélien. C’est offrir une autoroute en or au djihadisme.  
  
Notre gouvernement est investi d’une obligation : assurer la sécurité dans son aire de souveraineté. Voilà un demi-siècle bien sonné que la France s’est exonérée de toute suzeraineté sur l’Afrique, Dieu et les anticolonialistes en soient loués. Rendre service à des amis en péril de cauchemar ? Honte à qui s’y déroberait ! Sous réserve de faisabilité. À l’impossible, François Hollande n’était pas tenu.   
  
Une fois engagés, que faire ? Que faire ? Une seule chose. Saluer tout le monde et prendre le premier avion. Pas le deuxième. Nous dirons que nous avons gagné. Et nous ne mentirons pas.         

Mali Mayhem: 'French post-colonial ambition to spark African anger'




Les dozos du Mali s'y melent.... Soumangourou Kante doit etre fier dans sa tombe


Haut les coeurs.... allez y? Surtout ne reculez pas. 

Mali : les risques de la solitude

source: http://www.marianne.net/Mali-les-risques-de-la-solitude_a225815.html

Jerome Delay/AP/SIPA
Jerome Delay/AP/SIPA
A la demande expresse de son collègue malien, le président de la République François Hollande a décidé d’engager nos armées dans une opération de force qui est en fait, une véritable guerre contre des colonnes djihadistes parties du nord du Mali en direction du sud de ce pays. 

L’opposition, et ma famille politique l’UMP en particulier, ont soutenu cette décision. Nul ne conteste en effet l’urgence de la situation, et encore moins la nécessité de présenter une unité nationale sans faille au moment où nos soldats sont engagés sur le terrain dans une lutte difficile contre les terroristes islamistes. 

Personne ne conteste également la gravité de la menace que fait peser une coalition de différents groupes radicaux ou mafieux qui se sont emparés depuis plusieurs années des trois provinces nord du Mali, territoires immenses inondés d’armes en provenance de Libye et lieux de passage de l’essentiel du trafic de drogues en direction de l’Europe. 

Inspirés directement des méthodes de talibans en Afghanistan, les militants d’Al-Qaida Maghreb Islamique (continuateurs du GSPC algérien Groupe Salafiste pour la Prédication du Combat), imposent à la population un mode de vie moyenâgeux inspiré de la charia : voile intégral, mariages forcés, mains coupées, interdictions de fumer ou d’écouter de la musique, sans oublier les destructions des sites et mausolées de Tombouctou, au même titre que les talibans avaient détruit les Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan. 

Les prises d’otages systématiques de tout occidental dans la région ont non seulement alimenté les finances de ces groupes terroristes, mais ont littéralement coupé du monde ce territoire grand comme deux fois la France. Pour toutes ces raisons, laisser s’enkyster ces différents groupes et Al-Qaida dans le Sahel constituait une menace évidente non seulement pour la France mais pour toute l’Europe, et pour les intérêts occidentaux en général – sans parler de la stabilité des états de la région. 

Telle était pourtant la situation que la communauté internationale avait laissé perdurer depuis des mois. Jusqu’à la décision de François Hollande, il était simplement prévu d’attendre que la CEDEAO réunisse un contingent de forces qui interviendrait au plus tôt en septembre 2013, pour aider l’armée malienne à reconquérir le Nord Mali – l’Union Européenne s’engageant à former, dans l’intervalle, les unités maliennes. Tel était le sens de la résolution 2085 votée par le conseil de sécurité de l’ONU le 20 décembre dernier. 

L’opération française décidée le 11 janvier change radicalement la donne. Prise dans l’urgence, sans préparation diplomatique auprès de nos partenaires et alliés, elle nous engage probablement pour longtemps dans une guerre dure contre des combattants aguerris, surarmés, maitrisant un territoire immense. Une chose est de décider de l’emploi de la force, une autre est de savoir comment on en sort... Et dans l’intervalle, comment on peut préserver le consensus national indispensable pour la conduite d’une guerre asymétrique, nécessairement couteuse, qui pourra se révéler vite impopulaire. 

Dans cette opération, où la France va être rapidement contrainte de déployer autant d’hommes qu’elle en avait en Afghanistan, il importe d’être conscient des risques réels liés à la définition des objectifs de cette opération. Pour reprendre les trois objectifs fixés par les plus hautes autorités de l’Etat, comment s’assurer que nous avons effectivement stoppé l’avancée des islamistes vers le sud ? 

Malgré les succès enregistrés le premier jour avec les bombardements par surprise de colonnes terroristes pour une fois concentrées, la capture ou la destruction de petites unités terroristes extrêmement mobiles s’avérera vite difficile et requerra des moyens d’observations (drones en particulier) qui font aujourd’hui cruellement défaut.  Comme l’a démontré dès le lendemain  de l’opération française, la capture du bourg de Diabali, plus au sud, à peine 400 km de Bamako, par les groupes terroristes (probablement AQMI), la détermination des terroristes comme leur capacité de frapper restent pour l’instant intactes. 

S’agit-il, deuxième objectif annoncé, de reconquérir la totalité de l’intégrité territoriale du Mali comme cela l’a été avancé par le président de la République, le premier ministre et le ministre de la défense ? Mais dans ce cas on peut douter que le volume des forces françaises déployées auxquelles s’ajouteraient éventuellement les 3 000 hommes peu préparés et non coordonnés que sont sensés apporter les états de la CEDEAO (à une date encore inconnue) ne suffiront probablement pas à cette tâche. Car à supposer même que nous parvenions à reconquérir les villes de Tombouctou, Gao et Kidal, aujourd’hui aux mains des islamistes il faudra ensuite les tenir, ce qui supposera de pouvoir confier cette tâche à un Etat malien reconstitué, une armée malienne, une police malienne aujourd’hui totalement faillis. Cela supposera également un accord politique entre les maliens du Sud et les Touaregs qui ont mené ces derniers mois leur troisième insurrection. 

S’agit-il enfin et c’est tout le problème, de reconstruire l’Etat malien aujourd’hui dirigé par des autorités transitoires, elles-mêmes soumises à un capitaine putschiste ? Dans ce cas, les ressources nécessaires, aussi bien économiques, que politiques, sont-elles vraiment à la hauteur de nos moyens ? Surtout si l’on constate que la France jusqu’à présent, reste bien seule dans la conduite de cette opération… 

Sans doute inévitable, l’intervention française soulève donc des problèmes extrêmement lourds, qui méritent d’être regardés en face par le gouvernement, comme par nos partenaires européens et atlantiques. Et ce le plus rapidement possible. Au moment où nous nous apprêtons à célébrer à Berlin la semaine prochaine le 50ème anniversaire du traité de l’Elysée, au moment où notre parlement ratifie le traité d’adhésion de la Croatie comme 28ème membre de l’Union Européenne, il est proprement choquant de constater que l’Europe se contente de regarder la France agir seule au service de la sécurité de tous, à ses frais et en payant seule le prix du sang. 

Où est passée la grande ambition de l’Europe politique et qu’attend le président de la République pour le rappeler en ces termes à ses collègues ?