vendredi 16 septembre 2011

Côte d’Ivoire : Le procureur de la CPI demande l’autorisation d’ouvrir une enquête


Justice doit être rendue pour les crimes commis par les deux camps et pour les crimes ayant précédé les récentes violences
JUIN 23, 2011

(Bruxelles) - Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a fait un pas en avant important pour garantir que les auteurs des crimes graves commis en Côte d'Ivoire soient tenus de rendre compte de leurs actes, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Le 23 juin 2011, le procureur de la CPI a soumis une requête pour obtenir l'autorisation d'ouvrir une enquête sur les crimes commis en Côte d'Ivoire à la suite du second tour de l'élection présidentielle de novembre 2010 opposant le président sortant, Laurent Gbagbo, et Alassane Ouattara, qui a été internationalement reconnu comme le vainqueur. Ouattara a demandé l'aide de la CPI pour enquêter sur les crimes commis en Côte d'Ivoire.
« La décision du procureur de la CPI souligne l'importance d'exiger des comptes aux auteurs de la vague meurtrière de violences postélectorales en Côte d'Ivoire », a déclaré Elise Keppler, juriste senior auprès du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Il sera toutefois important que les enquêtes de la CPI aillent au-delà des dernières atrocités et touchent également les crimes terribles commis au cours de la dernière décennie. C'est à la chambre préliminaire de prendre une décision allant dans ce sens. »
Toute décision prise par le procureur de la CPI d'agir de sa propre initiative et d'ouvrir une enquête - qui est connue comme l'utilisation de son pouvoir propio motu - requiert l'approbation des juges de la CPI. Le procureur doit démontrer qu'il existe une « base raisonnable pour poursuivre » en tenant compte des exigences de la cour liées à la gravité des crimes et de l'incapacité ou du manque de volonté de poursuivre des juridictions nationales. Suite à la première requête du procureur d'ouvrir une enquête de sa propre initiative, dans la situation du Kenya, la chambre préliminaire avait autorisé l'ouverture d'une enquête pour une période de temps plus étendue que ce que le procureur avait initialement requis.
Des crimes graves, en violation du droit international - notamment les crimes de guerre et peut-être même des crimes contre l'humanité - ont été commis par les forces fidèles à Laurent Gbagbo et à Alassane Ouattara entre décembre 2010 et avril 2011. Les crimes relevant du Statut de Rome de la CPI documentés par Human Rights Watch en janviermarsavril et juin comprennent des meurtres, des viols et autres violences sexuelles, des disparitions forcées, et des attaques intentionnelles contre la population civile.
Les violences postélectorales interviennent à la fin de plus d'une décennie de violations de droits humains commises en Côte d'Ivoire qui avait débuté avec  les élections entachées de violence en 2000, puis continué avec le  conflit armé de 2002-2003 et de la période qui a suivi. Human Rights Watch, les Nations Unies et d'autres organisations ont documenté de graves violations du droit international commises par des forces sous le contrôle de Gbagbo et de l'actuel Premier ministre Guillaume Soro, notamment des meurtres, des violences sexuelles et le recours à des enfants soldats. Personne n'a fait l'objet de poursuites crédibles pour les crimes commis durant cette période, et le rapport, datant de 2004, d'une commission d'enquête de l'ONU sur les crimes de 2002-2003 a été gardé secret.
Même si la CPI ouvre une enquête, le procureur n'a jusqu'ici jugé qu'un petit nombre de cas dans les situations faisant l'objet d'une enquête. La tenue de procès nationaux équitables en Côte d'Ivoire continuera donc d'être d'une grande importance.
« Indépendamment de l'ouverture éventuelle par la CPI d'une enquête en Côte d'Ivoire, des poursuites nationales seront également nécessaires », a remarqué Elise Keppler. « Les principaux bailleurs de fonds - notamment l'Union européenne et les États-Unis - devraient aider le nouveau gouvernement ivoirien à identifier les mesures nécessaires à la tenue de procès équitables portant sur des crimes graves. »
Human Rights Watch a appelé les pays bailleurs de fonds et les institutions jouant ce rôle à aider la Côte d'Ivoire à déterminer l'aide pour mener des procédures impartiales, indépendantes et crédibles au niveau national pour les crimes graves commis en violation du droit international.
Des dizaines de personnes accusées d'avoir participé ou supervisé les atrocités commises par les anciennes forces de Gbagbo, parmi lesquelles l'ancien président et son épouse, sont détenus en Côte d'Ivoire depuis plus de deux mois. Le ministre de la Justice a récemment affirmé que les enquêtes préliminaires conduites par des procureurs civils et militaires étaient terminées dans certaines affaires, mais aucun acte d'accusation n'a formellement été formulé à ce jour.
Par contre, aucun membre des Forces Républicaines du président Ouattara n'a été arrêté ou détenu jusqu'à présent pour des crimes commis en relation avec les violences postélectorales.
« Une justice véritablement impartiale sera essentielle pour restaurer le respect de l'État de droit en Côte d'Ivoire » a affirmé Elise Keppler. « La CPI et les tribunaux nationaux devraient s'appliquer à enquêter sur les deux parties au conflit. »
a été critiqué pour s'être prétendument focalisé sur l'Afrique. Chacune des six enquêtes actuellement en cours à la CPI porte sur des crimes présumés commis sur ce continent. Cependant, trois enquêtes ont été ouvertes à la suite de renvois par les pays où les crimes ont été commis (Ouganda, République démocratique du Congo et République centrafricaine), et deux autres enquêtes ont été ouvertes à la suite d'un renvoi par le Conseil de sécurité de l'ONU (affaires concernant la région du Darfour au Soudan et la Libye). Le procureur de la CPI a agi de sa propre initiative pour une seule enquête, pour des crimes commis au Kenya lors des violences postélectorales de 2007 à 2008.
Le procureur de la CPI analyse en outre actuellement un certain nombre d'autres situations dans des pays du monde entier, notamment l'Afghanistan, la Colombie, la Géorgie, la Guinée, le Honduras et le Nigéria. L'Autorité nationale palestinienne lui a également demandé d'accepter sa compétence sur des crimes présumés commis à Gaza.
Des organisations non gouvernementales africaines, avec des organisations internationales ayant une présence en Afrique, ont demandé aux gouvernements africains de soutenir la CPI , en tant que cour de dernier recours, cruciale pour permettre aux victimes d'avoir accès à la justice.
La Côte d'Ivoire n'est pas un État partie à la CPI, mais le gouvernement ivoirien a présenté en 2003 une déclaration donnant la compétence à la cour sur les événements postérieurs à 2002. Ouattara a renouvelé la déclaration à la fin de 2010. Bien que ces déclarations permettent à la cour d'exercer sa compétence, elles ne sont pas suffisantes pour déclencher une enquête de la CPI, étape qui nécessite un renvoi par un État partie de la CPI, un renvoi par le Conseil de sécurité de l'ONU, ou une décision prise par le procureur d'agir de sa propre initiative.

Or et diamants : les joyaux de guerre


5/12/2009 à 15h:01 Par Pascal Airault
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En dépit de l’embargo sur les exportations de diamants, les creuseurs continuent à travailler dans les mines artisanales des régions de Séguéla et de Tortiya. L’exploitation et le commerce seraient encadrés par des hommes d’affaires maliens et guinéens. Les experts de l’ONU les soupçonnent d’écouler les pierres précieuses sur les marchés internationaux (Belgique, Israël…). Certains éléments des Forces nouvelles prélèvent également des taxes sur le commerce de l’or, une activité très lucrative aux mains des orpailleurs traditionnels. La société Randgold Resources investit actuellement dans la construction d’une mine aurifère à Tongon, à environ 60 kilomètres au nord de Korhogo. Un site très prometteur avec des réserves de plus de 3,1 millions d’onces. Selon les experts onusiens, Randgold verserait au moins 3 millions de F CFA par mois au commandant Kouakou Fofié au titre de droits d’exploitation. Une accusation rejetée par le groupe sud-africain, qui reconnaît toutefois avoir loué les services de la SARL Cobagiex-Sécurité, propriété du chef de guerre, avant de résilier son contrat en juillet dernier.


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Le règne des seigneurs du Nord


5/12/2009 à 14h:53 Par Par Pascal Airault, av. Baudelaire Mieu à Abidjan
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Le commandant Fofié (T-Shirt rouge) gère la zone de KorhogoLe commandant Fofié (T-Shirt rouge) gère la zone de Korhogo © MYOP
La région reste aux mains des chefs rebelles, qui tirent de cette occupation des revenus juteux. Élections ou pas, ils ne sont pas près d’y renoncer. Une enquête de l’ONU révèle ces trafics en tout genre.
« La situation dans le nord de la Côte d’Ivoire ressemble plus à une économie de chefs de guerre qu’à une administration gouvernementale qui fonctionne. » Plus de sept ans après la conquête de la zone septentrionale par les rebelles ivoiriens et presque trois ans après la signature de l’Accord politique de Ouagadougou (APO), sept experts des Nations unies ont dressé cet implacable constat au terme d’une enquête de plusieurs mois menée en 2009 *. Le redéploiement de l’administration, le retour de l’État de droit et la collecte de l’impôt par le Trésor public sont loin d’être effectifs. Quelques préfets, des juges et des enseignants ont repris du service, certes, mais le vrai pouvoir reste à la rébellion. Au bilan, le seul domaine qui soit revenu réellement aux pouvoirs publics est l’immatriculation des véhicules à Bouaké…
Pourtant, et c’est le paradoxe de cette crise ivoirienne, les armes se sont tues depuis longtemps, la circulation des personnes et des biens est effective et les violences sont assez limitées… Mais, sur le terrain, les milices des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion), surnommées 0, Cobra, Fansara 110, Highlander ou Delta Force, contrôlent toujours 60 % du pays, plus de 190 000 km2. Elles répondent aux ordres de dix commandants de zone rétifs à toute réunification. Et pour cause ! Ils tirent de juteux bénéfices de l’exploitation et du trafic des ressources naturelles (cacao, coton, bois, noix de cajou, or et diamants), et perçoivent des taxes sur le trafic routier et sur les services publics comme l’électricité, que le gouvernement ivoirien fournit pourtant gratuitement à la population. Ils ont également investi dans l’immobilier et se sont approprié ou ont donné en gérance à des proches de nombreux hôtels, boîtes de nuit, commerces, stations-service… Selon le ministère de l’Économie et des Finances, ce business pourrait leur rapporter quelque 60 milliards de F CFA par an (environ 90 millions d’euros).
Une rente providentielle pour laquelle les seigneurs de guerre n’hésitent pas à se battre. Même entre eux. En mai 2008, Issiaka Ouattara, alias Wattao, a déposé le « com’zone » de Vavoua et Séguéla, Zacharia Koné, aujourd’hui en exil au Burkina. Officiellement, le chef d’état-major adjoint des FN réagissait à des actes d’insubordination, mais il en a surtout profité pour mettre la main sur le commerce du cacao. Quelque 128 000 tonnes (environ 10 % de la récolte nationale) sont exportées illégalement par les ex-rebelles vers les ports du Togo, du Ghana et, dans une moindre mesure, du Sénégal et de Guinée. Selon l’ONU, Wattao en tirerait près de 640 millions de F CFA de recettes annuelles. L’ancien caporal est également impliqué dans la production musicale et le commerce de voitures.
Contrebande
Autre grand seigneur du Nord, Martin Kouakou Fofié, l’un des trois Ivoiriens visés par le gel des avoirs à l’étranger et l’interdiction de voyager décidés par l’ONU, commande la zone 10, administrée depuis Korhogo. Il est intervenu en avril 2009 dans le secteur de Ferkessédougou, aux mains de Fofana Inza, pour régler un différend entre chefs. Depuis, il gérerait de manière exclusive les activités d’extraction aurifère de la région. Il prélève également une partie des taxes sur les échanges avec le Burkina et demande à tous les nouveaux abonnés de la Compagnie nationale d’électricité de sa zone de lui verser une redevance mensuelle comprise entre 1 500 et 3 000 F CFA. Son nom figure encore sur les récépissés de prélèvement des taxes délivrés aux conducteurs de poids lourds. À Man, le commandant Losseni Fofana, dit « L’Intrépide Loss », gère une des zones parmi les plus difficiles en raison de ses frontières poreuses avec le Liberia et la Guinée. Il est très impliqué dans le commerce du bois et du cacao, et la contrebande d’armes. À Bouaké, fief et siège des FN, Chérif Ousmane, alias commandant Guépard, est dans le négoce. D’autres, comme Morou Ouattara, ont investi dans l’agrobusiness.
Une flopée d’intermédiaires
Tous semblent s’affranchir de plus en plus de la Centrale, structure mise en place en 2003 par le secrétariat national des Forces nouvelles, pour collecter les taxes et les impôts de la rébellion. Cette volonté d’organiser les activités n’a, en effet, pas permis d’enrayer la propagation d’une économie souterraine. Les rebelles font affaire avec de nombreux opportunistes. Les Libanais exploitent illégalement le bois et le diamant, et font du petit commerce, les Indiens exportent l’anacarde et collectent la ferraille, les Chinois ont installé des pharmacies et des officines médicales.
D’après les experts de l’ONU, les ex-rebelles continuent à se réarmer, comme d’ailleurs les troupes du Sud. Malgré une vingtaine de refus d’inspection, ils ont pu identifier de nombreux dépôts d’armes et de munitions dans les régions de Vavoua, Séguéla, Odienné, Ouangolodougou et Ferkessédougou. Une partie des munitions serait acheminée via le Burkina. « Ce sont des rumeurs véhiculées par des diplomates mal informés, explique un proche du président Blaise Compaoré, médiateur de la crise ivoirienne. Le président joue sa crédibilité. »
Il n’empêche. Les barons du Nord n’ont nulle envie de regagner les casernes et ne s’inscrivent pas, non plus, dans le projet politique de leur chef. On prête, en effet, l’intention au Premier ministre de créer son propre mouvement ou d’intégrer en bonne place un des grands partis. Il pourrait présenter des candidats aux élections législatives qui se tiendront dans les deux mois suivant le scrutin présidentiel, probablement à la mi-2010. S’il pouvait former un groupe parlementaire, celui-ci deviendrait une force d’appoint et prendrait sa place sur l’échiquier politique.
L’objectif n’est pas à portée de main. Il lui sera en effet difficile d’implanter ses hommes sur les terres du Rassemblement des républicains (RDR), premier parti du nord du pays. L’ancien Premier ministre, Alassane Dramane Ouattara, dit ADO, compte de nombreux partisans chez les com’zone. Certains sont même très proches de lui. ADO a assisté au mariage de Chérif Ousmane à Ouagadougou en décembre 2007 et son épouse, Dominique, était témoin.
« Soro a plus besoin des com’zone qu’ils n’ont besoin de lui », commente stoïquement un diplomate. Les relations avec le chef du gouvernement sont même parfois tendues. Guillaume Soro a réduit ses voyages dans le Nord, certains des com’zone l’accusent régulièrement de jouer le jeu du président Gbagbo et ont même appelé à sa démission en avril dernier… Depuis, la primature se fait discrète sur les questions de désarmement et les affaires économiques. Et les com’zone se rééquipent, poursuivent la formation et la mise en place de leurs propres forces de police et de gendarmerie. Récemment, plusieurs unités ont même été dotées d’uniformes neufs. Plus grave, selon la présidence, 1 000 hommes de Chérif Ousmane auraient reçu une formation commando.
Une confiance limitée
« Soro n’est plus maître du dialogue politique, ajoute le même diplomate. Tout se joue directement entre les présidents Gbagbo et Compaoré. » Ce dernier avance à petits pas sans oublier les intérêts de son pays. Le Burkina a longtemps servi de base arrière aux rebelles. Des liens ethniques unissent les Burkinabè aux populations du Nord, une diaspora importante réside en Côte d’Ivoire, et les échanges commerciaux entre les deux pays enrichissent des tas d’intermédiaires.
« La confiance n’est pas encore totale entre les rebelles et le camp Gbagbo. La réunification définitive n’aura donc lieu qu’après la tenue d’élections transparentes, conclut un proche du président Compaoré. Si c’est le cas, nous veillerons à ce que le résultat des urnes soit respecté. Et les com’zone ne pourront se prévaloir des armes pour faire leurs affaires. »
* Rapport final du groupe d'experts sur la Côte d'Ivoire du Conseil de sécurité de l'ONU.


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La symétrie du chaos, vers un nouveau paradigme international ?


Le Quotidien d’Oran / 15-09-11
La symétrie du chaos, vers un nouveau paradigme international ?
par Wissem Chekkat
Après six mois de résistance, le régime du colonel Gaddafi a fini par être surpris dans sa capitale par un coup de main assez élaboré. Il aura néanmoins réussi à briser l'élan des nouvelles guerres high-tech, rapides et multimédia s'abattant sur un nombre précis de pays arabes depuis l'avènement de l'année 2011.
Ce remake réussi de la Baie des cochons sur les rivages de Libye marque non seulement un tournant dans les relations internationales mais pèsera négativement à l'avenir sur les relations Nord-Sud en Méditerranée occidentale. Vingt ans après l'effondrement de l'empire soviétique et la suppression de la menace dite rouge, l'année 2011 fut choisie comme celle de l'assaut général contre les derniers régimes rétifs à l'hégémonie du nouvel ordre mondial et son idéologie. Première cible avant les pays satellites de la Chine et les pays d'Amérique latine contestataire de l'ordre mondial : les pays arabes hors de l'influence. En sacrifiant deux leaders alliés dont l'un du pays arabe le plus peuplé et le plus influent, les USA escomptaient obtenir un effet domino dans l'ensemble de la région et plus particulièrement un changement de régime dans des pays comme la Libye et la Syrie. Cependant, la très coûteuse occupation de l'Irak de Saddam Hussein et le désastre afghan obligèrent les stratèges américains à opter pour un nouveau type de guerre plus économique en utilisant les moyens de l'information, les réseaux sociaux, les Psyops, la propagande, les cellules terroristes dormantes et Al-Qaida, outil créé, financé et armé par la CIA, le MI-6 et bien d'autres services de renseignement pour l'achèvement de certains objectifs géostratégiques globaux. C'est en effet une nouvelle forme de guerre High Tech, rapide et reposant sur le concours des populations locales préalablement formatées par une propagande massive, multi-vectorielle, élaborée et adaptée à l'humus culturel, religieux et/ou idéologique. Si le putsch militaire en Tunisie fut relativement facile, ordonné et sans grande effusion de sang, celui de l'Égypte contraria deux acteurs clé de la politique étrangère US : le royaume d'Arabie Saoudite et Israël. Ce dernier avait toutes les raisons du monde d'appréhender un changement de régime en Égypte susceptible d'amener à sa tête des factions hostiles à l'État hébreux.
Malgré la soumission totale de l'armée égyptienne à son mentor US, véritable maître du pays du Nil, les choses semblent se détériorer dans la péninsule du Sinaï. Au détriment d'Israël. Effet collatéral inattendu d'une guerre dite globale. C'est le concept de la guerre tous azimuts ou guerre totale multidimensionnelle appliquée à des cas concrets. A distinguer du concept clausewitzien de la guerre. C'est une nouvelle forme de guerre dans laquelle les aspects informationnels, propagandistes, psychologiques, diplomatiques et économiques sont mobilisés comme des armes de combat de première ligne contre des États ou des groupes d'États. D'ailleurs, ce n'est point un hasard si les moyens diplomatiques incluant le recours au CS de l'ONU, et les médias sont considérés comme des étapes cruciales de tout plan militaire US. Ainsi après l'Afghanistan, le Pakistan, l'Iran, l'Irak, le Liban, la Palestine, la Syrie, le Yémen, la Somalie et le Soudan, il n'était pas étonnant de voir la machine bien huilée se tourner vers le Maghreb. Premier maillon faible de cet espace géopolitique en mal d'intégration : la Libye du colonel Mouammar Gaddafi. Bête noire et vieil ennemi de bons nombre de pays occidentaux et arabes du golfe arabo-persique. L'aventure militaire précipitée de l'OTAN sur les côtes libyennes a non seulement bousculé l'équilibre géostratégique de cet espace géopolitique mais risque fort de bouleverser l'ensemble des relations Nord-Sud en méditerranée occidentale. Cette aventure militaire a mis fin à cinquante ans de paix, puisque la dernière intervention armée occidentale en Afrique du Nord remonte à la bataille de Bizerte (Tunisie septentrionale) et à la guerre d'Algérie. Plus préoccupante est l'ingérence presque immorale de certaines entités étatiques du Golfe persique au Maghreb : la chasse frénétique aux subsahariens par les rebelles en Libye relève plus d'une vindicte dictée contre l'orientation africaine de la Jamahiriya et son mépris des Arabes du Golfe persique. Cette tendance africanophobe traduit la future orientation de la Libye de demain telle que voulue par les mentors et financiers de l'agression militaire contre ce pays : La Libye post-Gaddafi sera Arabe du premier camp. Celui de la Jordanie, du Qatar, des Émirats Arabes Unis, du Koweït et du Bahreïn. En d'autres termes, un pays détaché de son environnement africain.
Malgré la chute de Tripoli suite à l'opération «Siren», opération coup de poing qui fera date dans les manuels militaires des armées, les Libyens n'auront pas démérité et ont globalement fait face à l'agression de leur pays avec plus d'efficacité que ne l'ont fait les Irakiens pourtant infiniment mieux armés. La Libye a tenu à six mois de bombardements et autres pilonnages intensifs des forces de l'OTAN, lesquelles ont déversé sur ce pays près de 200 bombes par jour. Dans cette guerre, les rebelles libyens, en particulier ceux de la ville de Misurata ont bénéficié du soutien de firmes de sécurité et de renseignement privées ainsi que de mini-drones (des drones quadricoptères de type Scout). Ailleurs dans le pays, des drones américains Predator II armés croisaient dans le ciel libyen chassant en meute des cibles désignées.
Sous-estimée, la Libye du colonel Gaddafi et son système atypique de pouvoir non hiérarchisé et horizontalement distribué a donné du fil à retordre à l'OTAN. A la surprise générale de ses voisins, la Libye, plus petit pays du Maghreb, a failli écraser rapidement et efficacement la rébellion armée qui s'est déclarée en Cyrénaïque le 16 février 2011, n’était-ce l'intervention militaire occidentale. Néanmoins, la Libye a réussi à absorber le choc initial de l'agression de la coalition internationale menée par les USA, la France, la Grande Bretagne, le Qatar et les Émirats Arabes Unis avant de tenir tête à l'OTAN, la plus grande alliance militaire du monde.
Cette capacité de résistance d'un pays aux capacités technologiques quasi-inexistantes, doté d'une toute petite armée de quatre ou cinq brigades, ne peut s'expliquer que par le régime très particulier et hors normes imposé par le colonel Kadhafi. Un système opaque où le pouvoir est dissous parmi des centaines de tribus et où la notion d'État selon l'acception occidentale demeure un concept étrange. L'organisation de l'État des masses, un concept paradoxal pour un pays de cinq ou six millions d'habitants, a rendu caduc tous les plans précédemment utilisés en Irak et a imposé à l'OTAN un nouveau paradigme à peine connu. Indubitablement, c'est en Libye qu'a été mis en échec le cycle des révoltes arabes par le désordre et l'ingénierie du chaos au moyen des réseaux sociaux et des services de messagerie. Car, contrairement à la Tunisie et l'Égypte, pays pro-occidentaux ayant connu des putschs militaires déguisés en révolutions colorées, la Libye comme le Yémen et la Syrie ont fait autrefois partie d'un front du refus et de la résistance qui aura vécu. Il est paradoxal de constater qu'une ville éloignée comme Brega ait tenu tout au long de la guerre et ait survécu à Tripoli qui a succombé à un coup de main éclair et complexe.
L'histoire est riche de ces retournements spectaculaires d'alliances et d'allégeance. Toutefois, qui aurait osé concevoir il y a à peine une trentaine d'années que l'OLP (Organisation de Libération de Palestine) se retournerait contre Damas ? Il est vrai que la vieille organisation désuète et corrompue de la résistance palestinienne n'a jamais pardonné le positionnement du régime syrien laïc aux côtés d'une organisation islamiste rivale, ayant réussi à prendre le pouvoir dans l'enclave assiégée de Gaza. Comme dans l'épisode libanais, la main des Saoudiens n'est jamais très loin et il n'est pas étonnant dès lors de constater la stratification en cours et la superposition de la rivalité créée de toutes pièces entre l'Arabie Saoudite et ses alliés, garant d'une version rigoriste de l'Islam sunnite contre l'Iran chiite, ultime avatar de l'impérialisme perse. Un schéma correspondant parfaitement aux plans d'hégémonie US au Moyen-Orient, basés sur les divisions ethniques et confessionnelles et même au-delà.
L'une des techniques de tromperie en usage dans ces nouvelles campagnes militaires d'un nouveau genre contre des États est l'imposition d'un mensonge comme vérité dans la plus pure tradition stalinienne. Ainsi des médias nous présentent sans vergogne aucune des informations faisant état de l'usage du gouvernement syrien d'embarcations armées contre ses propres populations civiles tout en avançant des bilans dignes d'un accident de circulation. Est-il possible qu'une ville de la taille de Lattaquié soit pilonnée par l'artillerie navale et n'enregistre que trois ou quatre victimes ? Le cas libyen est encore plus pathétique : l'OTAN qui ne maîtrise qu'une forme de propagande unique et disons le sans ambages, sclérosée, qualifie ses raids meurtriers contre les populations civiles libyennes comme une opération de protection de ces mêmes populations ! Les sites officiels britanniques se sont illustrés par une propagande mensongère sans vergogne pire que celle de Staline. Cercle vicieux d'un mensonge orwellien. Cet auteur avait bien pressenti que le totalitarisme anglais pourrait être bien plus pire que celui du nazisme et du stalinisme de son époque.
Les États-Unis d'Amérique sont les principaux architectes de cet assaut. Mais dans le cas de la Libye, ils ont adopté une nouvelle ligne de conduite, faisant semblant de confier les opérations, dès l'élimination de l'ensemble des défenses aériennes libyennes à leurs alliés de l'OTAN. Ils en regrettèrent presque cette option. La Grande Bretagne et la France eurent une piètre performance face à une armée libyenne bien faible et pas du tout équipée. C'est grâce à la logistique US et à l'argent du Qatar et des Émirats Arabes Unis que cette guerre put aboutir à l'entrée des rebelles à Tripoli atour d'un noyau dur formé par les commandos spéciaux de la CIA, du SAS, du 2ème régiment de parachutistes, de la Légion jordanienne, des mercenaires de l'X (ex-Blackwater) et des forces spéciales italiennes et qatari.
Des observateurs peu avertis de la nature du pouvoir en Europe s'étaient interrogés sur les motivations de certains pays comme l'Italie de s'aliéner gratuitement et durablement l'ensemble des pays de la rive Sud de la méditerranée, en d'autres termes ses voisins immédiats, en s'impliquant dans une guerre d'agression contre la Libye ou en joignant sa voix aux cris d'orfraie des pays européens contre la Syrie. Alors que ce pays jouissait jusqu'ici d'une assez bonne image au sein des pays du Sud. Le fait est que le pouvoir réel en Italie et ailleurs en Europe n'est plus aux mains des habitants de ces pays mais appartient de facto à des oligarchies invisibles agissant assez similairement à des gouvernements d'occupation.
La stratégie du double endiguement utilisée contre l'Iran et l'Irak, la destruction de ce dernier et son occupation, la guerre civile libanaise, la scission du Soudan, l'élimination physique des figures historiques de la résistance palestinienne, la mise au pas du Liban, l'encerclement et l'assaut de la Syrie, la déstabilisation du Yémen, l'affaiblissement des pays du Maghreb, la mise en place d'une véritable ceinture de feu entre le Sahel et l'Afrique du Nord s'étendant de la corne de l'Afrique à l'Atlantique, et, actuellement, la mise en pièces de la Libye, ne sont qu’une suite ininterrompue d'évènements liés. Lesquels s'inscrivent dans le cadre d'un plan réglé et préconçu. Tel qu'il a été ébauché par l'ex-secrétaire d'État US Henri Kissinger dès l'avènement des années 70. A posteriori, l'actuelle vague de révoltes présentée comme un printemps arabe en référence à une série d'évènements ayant abouti à l'implosion de l'ancien bloc de l'Est, n'est que la continuation d'une même et unique stratégie visant toujours le même objectif : le formatage de l'environnement immédiat et lointain d'Israël à même de garantir sa survie pour les cinquante prochaines années et par-dessus tout garantir son existence au-delà de l'année 2048.
L'enthousiasme suscité par les révoltes arabes a fait long feu. Si les médias mainstream n'ont pas hésité à qualifier cet assaut général de «printemps arabe», la réalité des faits déformés sur le terrain, grâce à la magie des caméras embarquées sur les téléphones portables dans un monde ou presque tout le monde en est équipé, a fait déchanter plus d'un. De mémoire de révolutionnaire, on n'a jamais vu des rebelles armés de fusils d'assaut Gewehr-36 avancer contre les troupes gouvernementales de leur propre pays sous la couverture d'hélicoptères de combat avancé, de drones et de bombardiers étrangers tout en bénéficiant de l'appui feu de l'artillerie navale, le renseignement de l'imagerie satellitaire et l'encadrement des forces spéciales de pays ayant une longue tradition dans la subversion et le sabotage. C'est pourtant bien ce qui s'est passé en Libye. Et c'est ce que l'on tente de recréer en Syrie et si possible, ailleurs. Ce n'est point un hasard si, au départ des contestations, une aide logistique est mise à profit des insurgés, fussent-ils présentés comme de simples manifestants. Changement d'icônes. Depuis les années 60, le Kalachnikov était l'arme par excellence de tous les révolutionnaires et guérilléros de tous bords. L'usage par les rebelles libyens d'une variante du fusil d'assaut FN-FAL et de missiles antichar MILAN, puis après l'opération de Tripoli, du fusil Allemand G-36, équipant entre autres les forces spéciales jordaniennes, consacre une véritable rupture. Après les rébellions maoïste, communiste, socialiste et nationaliste, voici venu le temps des rébellions néolibérales financées par les riches Cheikhats du Golfe persique et soutenues militairement par les milieux trans-financiers internationaux.
Cependant, l'apparition spontanée de ces nouvelles guerres High Tech de propagation du chaos social par le bas et l'ingénierie du putsch scientifique n'est pas sans risque pour les pays l'ayant adopté. La Grande Bretagne (mais aussi la France) en sont de parfaits exemples. Et ce, malgré la surveillance exhaustive et maniaque des réseaux par des cohortes de cyber policiers dans ces deux pays. Surveillance bien plus intense, systématique et étroite que ne le serait la surveillance d'internet dans un pays comme la Chine. Le retournement des nouvelles armes que constituent désormais les réseaux sociaux et les services de messagerie contre l'un des pays les ayant le premier utilisé pour attaquer un autre pays (la tentative britannique de susciter une révolution colorée-verte-en Iran en 2009) a donné plus que des sueurs froides à Londres. Les émeutes du mois d'août 2011 ont fait craindre un retour de boomerang, voire une British Revolution. Signe qui ne trompe pas : deux facebookers ayant posté des blagues sur le net au sujet de ces émeutes ont été condamnées à de très sévères peines d'emprisonnement. Pendant ce temps, le gouvernement de sa majesté, le plus acharné dans sa guerre en Libye, finance, encourage et soutient des milliers de jeunes Arabes à propager via les réseaux sociaux le désordre, le chaos et la sédition.
La reprise du symbolisme religieux islamique par les services de renseignement US et britannique n'est pas nouveau. Il remonte à plus d'un siècle, avec les théories du manteau vert, du messie attendu et les intrigues de Lawrence d'Arabie. On percevait aisément derrière tous ces vendredis «colorés» une forte touche de marketing. «Vendredi de la colère», «Vendredi de la vengeance» ou encore «vendredi de la défiance» sont des produits marketing 100 % US adaptés à l'humus local. Un peu comme les filiales de Coca Cola au Moyen-Orient. A ces techniques s'ajoutèrent le renfort d'une pléthore de pseudo-fatwas issues de manière désordonnées et diffusées par des «clercs» musulmans majoritairement sunnites mais dont la majorité provient des pays du Golfe persique inféodés à l'empire ou de pays comme l'Égypte ou la Jordanie. C'est un Islam version US, aussi corollaire au néo-libéralisme que l'est la spéculation boursière sur des actifs pourris. Support de propagation : internet et chaînes satellitaires. Après l'anathème vient la diabolisation. Le président syrien est qualifié de Hulagu dans une référence à l'invasion mongole du Moyen-Orient au 13ème siècle ; le guide libyen qui s'est déjà auto-affublé de toute une série de titres, se voit en plus affublé de tous les noms d'oiseaux. Il est vrai qu'il ne s'est fait que des ennemis. La propagande des pays du CCG s'acharne plus particulièrement sur lui avant, pendant et après son règne. Même hors de son complexe de Bâb Azizya, le colonel sera accusé par les US d'avoir collaboré avec leurs services dans la lutte antiterroriste. Quant on sait que tous les pays musulmans ont été sommés de collaborer dans la lutte contre un terrorisme créé de toutes pièces par ceux là même qui l'exigent, on ne peut que rester stupéfait de la tromperie avec laquelle agit l'empire quel que soit le contexte.
 Mais tout cela est voué à l'échec. Les Américains et leurs alliés sont dans une impasse non seulement économique mais idiosyncratique. Si au Levant, la déstabilisation de la Syrie aura de très graves conséquences sur Israël, dont l'arsenal nucléaire conséquent ne lui sera d'aucun secours, au Maghreb, le dépeçage de la Libye aura des conséquences négatives durables sur l'ensemble des relations Nord-Sud en Méditerranée occidentale. Il ne fait aucun doute que tôt ou tard, l'intrusion militaire de puissances étrangères en Libye aura un prix.
A ce propos, certains observateurs ont mis en doute la mainmise étrangère sur les ressources de la Libye à cause du sentiment ultranationaliste de certaines factions rebelles. C'est méconnaître les ressorts cachés de la soumission consentante. Les rebelles, y compris leurs ailes militaires les plus radicales sont beaucoup trop faibles pour pouvoir prétendre tenir tête à leurs puissants protecteurs. De facto, ils sont encore plus faibles que les forces loyalistes. C'est pour cette raison que la Libye représente un cas d'école : c'est le nouvel eldorado des multinationales et l'entrée rêvée en Afrique du Nord et au Sahel. Et connaissant certains pays de la coalition «humanitaire» caractérisées par leur hargne et leur cupidité à tenir coûte que coûte la moindre parcelle de terre tombée en leur pouvoir et ne plus jamais la relâcher à moins de provoquer un génocide généralisé, on ne voit pas la Libye se débarrasser de sitôt de ces protecteurs de la dernière heure.
Avec l'épilogue libyen, l'Africom devrait avoir résolu le choix de ses bases en Afrique. Elle y disposera aussi bien de bases stratégiquement situées sur le golfe de Syrte qu'en bordure du Sahel, voire au Sahara central. En parallèle, la Russie perd plus qu'un important client de ses armements. Tandis que la Chine voit sa présence en Méditerranée, en Afrique du Nord et au Sahel assez compromise. Certains pays occidentaux voyant d'un très mauvais oeil la présence chinoise dans la bande sahélienne du Soudan en Mauritanie, en passant par le Niger, principal pourvoyeur d'uranium aux centrales électronucléaires françaises.
 Propager le désordre dans un pays fait partie intégrante de la panoplie de guerre. Le chaos est un nouveau paradigme des relations internationales. L'ex-ambassadeur US en Chine, Jon Huntsman et probable candidat aux présidentielles américaines en sait quelque chose. Sa tentative très maladroite de susciter des troubles en Chine en utilisant les réseaux sociaux l'a forcé à quitter son poste.
Cependant, la question qui se pose actuellement est celle relative aux conséquences à moyen et long terme de cette nouvelle ingénierie du chaos appliqué à l'échelle géostratégique. Utilisant des outils transcendant la guerre asymétrique que pourrait opposer le pays ciblé face à un assaillant technologiquement plus avancé, cette nouvelle forme de guerre ne serait-elle pas susceptible de créer une symétrie du chaos dans les deux camps ? L'avenir nous le dira.