mardi 23 novembre 2010

Publication Logo


21 octobre 1995

"Le sang coulera encore"

AUTEUR: PIERRE-MARIE CHERRUAU

RUBRIQUE: COTE D'IVOIRE; POLITIQUE

LONGUEUR: 488 words

ORIGINE-DEPECHE: COTE D'IVOIRE 

PRESIDENTIELLE EN COTE D'IVOIRE
Après une campagne violente, l'opposition au candidat-président Bédié ne désarme pas. On redoute un scrutin sanglant demain
Le matin, avant de quitter sa maison en bois située au coeur d'un quartier populaire d'Abidjan, Aïcha écoute la radio afin de savoir si des manifestations sont à l'ordre du jour. Dans son quartier, les commerces ont fermé leurs portes et les badauds sont rares sur les trottoirs en latérite. "J'ai peur de sortir de chez moi. Dans certains quartiers, des petits groupes de manifestants délinquants bloquent les routes en brûlant des pneus et des voitures. Ils matraquent même les passants. J'ai envoyé mes enfants au village", explique cette jeune employée de bureau.
Les voisins d'Aïcha sont tout aussi inquiets. Lundi, à Abidjan, des manifestants ont mis le feu à des cars, à des voitures et à des locaux du parti du président. Dans le nord du pays, des affrontements entre partisans du pouvoir et de l'opposition ont fait deux morts.
Aïcha écoute les informations mais elle éteint sa radio dès que les candidats en lice énoncent leur programme. "L'homme qui affronte le président est un plaisantin. Personne ne le connaît. Il n'a aucune chance de battre Bédié."
Selon Aïcha, la grande majorité des 13 millions d'Ivoiriens partagent ce sentiment de frustration. Pourtant, elle n'imagine pas que les Ivoiriens puissent descendre en masse dans les rues.
L'autre opposant majeur, le leader du FPI, a attendu le début octobre pour annoncer son refus d'être candidat. En 1990, lors des premières élections présidentielles pluralistes, il avait obtenu 18 % des suffrages face à Félix Houphou]t-Boigny. "C'est le seul qui ait osé affronter le Vieux. Il s'est toujours battu pour ses idées, ce qui l'a même conduit en prison", explique un militant du FPI.
Laurent Gbagbo réclamait une révision du Code électoral et la création d'une commission indépendante pour organiser le scrutin. Or, le président Bédié n'a fait aucune concession. En l'absence de ces poids lourds, Francis Wodié, le candidat d'un petit parti de gauche, le PIT (Parti ivoirien des travailleurs), paraît bien esseulé. La presse d'opposition qui fleurit sur les trottoirs d'Abidjan l'accuse de servir de faire-valoir au régime.
Même la presse gouvernementale s'inquiète de l'amateurisme du candidat de l'opposition. Le quotidien "Ivoir'soir" affirme qu'un meeting de Francis Wodié n'a pu avoir lieu, faute de spectateurs. Les habitants de la ville ou devait se tenir le meeting n'auraient pas été avertis de la venue du candidat de l'opposition.
Henri Bédié a plus à craindre de la rue que des urnes. L'opposition affiche sa détermination à pratiquer le "boycott actif". "Bédié se prend pour Houphou]t, mais nous n'accepterons plus d'être menés à la baguette. On ne pourra pas empêcher son élection mais on continuera à organiser des marches. Le sang coulera encore. Il ne pourra plus se faire passer pour un démocrate."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire