mardi 10 janvier 2012

Exclusif: L'article qui aurait couté la vie à Guy André Kieffer


Le nouveau courrier

Une information transmise le jeudi 24 octobre 2002 en soirée, fait état qu'une société britannique de négoce, récemmentimplantée au Ghana et en Côte d'Ivoire : Armajaro, a remis, ces dernières semaines, une somme importante à un groupe de personnesdans le but d'entreprendre une déstabilisation de la Côte d'Ivoire.

La somme serait au minimum de cinquante millions de dollars américains, soit environ une trentaine de milliards de francs CFA. Cette information, qui a été validée auprès de traders de cacao, desbanquiers internationaux, des financiers et des sources politiques proches des milieux d'affaires américains radicaux, donne uneexplication plausible, très vraisemblable et hautement probable, sur l'origine de la principale source de financement de la rébellionarmée du nord débutée en Septembre 2002.

Cette information met en évidence les objectifs réels poursuivis par les auteurs de ce financement des rebelles dirigé par SoroGuillaume et très proche d’Alassane Ouattara ; elle permet d'expliquer en partie, de comprendre et de relier toute une série d'évènementsqui ont marqué depuis plusieurs mois la vie économique de la Côte d'Ivoire et notamment dans le secteur clé du cacao.

Armajaro et AIG Fund : les financiers de la déstabilisation

Armajaro : cette société de négoce, dont les bureaux sont à Londres, mais dont le siège social est basé dans un paradis fiscal – lesîles Vierges britanniques– est dirigée par Anthony Ward. L'an passé, ce négociant britannique a été l'un des principaux fournisseursde cacao du groupe agroalimentaire américain ADM, une société présente en Côte d'Ivoire dont les intérêts sont très étroitementliés à ceux de Sifca, Sifca Coop et d'Anaproci Sa.

Armajaro dispose d'un agrément d'exportateur de cacao en Côte d'Ivoire depuis peu de temps

Anthony Ward
La filiale ivoirienne d'Armajaro est associée avec Daniel Usher qui est un proche de Georges Ouegnin, lui-même ayant été l'interface entre Anthony Ward et Houphouët-Boigny lors de la guerre du cacao en 1988-1991. Daniel Usher est également très proche d'Ali Anjani, un trader de sucre, proche de Victor Nembelissini qui assurait, à l'époque où il travaillait à Equator Bank ses financements. Daniel Usher et Victor Nembelissinisont très proches d'Alassane Ouattara et d'Yves Lamblin, même si les relations entre les deux hommes sont marquées par un violent antagonisme. Au Ghana, Armajaro est dirigé par Steven White, un financier britannique expert de la gestion des fonds d'investissement spécialistes des matières premières sur les marchés à terme ainsi que des montages financiers mettant en jeu des sociétés financières off-shore.

L'essentiel des financements destinés aux rebelles auraient transité par la branche ghanéenne d'Armajaro. Plusieurs transferts defonds en provenance de Londres, de l'ordre de 1,250 million de dollars (820 millions de francs CFA) à chaque fois, ont été identifiéspar les Services spécialisés, ces dernières semaines. Certains de ces transferts en liquide ont été opérés et convoyés entreLondres et Accra par Monsieur Maignan, un homme d'affaires français qui, dans un passé récent, était l'homme de confiance pour lesopérations financières de plusieurs dirigeants du PDCI.

Armajaro a été fondée par les anciens de Phibro (Philip Brothers), il y a cinqans. Armajaro, durant ces quatre dernières années, a été impliquée à plusieurs reprises dans des « étranglements de marché » sur le marché à terme de Londres en association avec plusieurs fonds de pensions (AIG Fund,Tiger Fund du financier américain GeorgesSoros un proche de Victor Nembelissini et d'Alassane Ouattara, African Managment Fund, un fond d'investissement diversifiéopéré en partie par la banque sud-africaine Absa, dirigé par Paul Martin, un ami de Frank Kennedy d'Equator Bank et de VictorNembelissini). Anthony Ward est le conseiller cacao de Mama Ndyaye d'AIG Fund.

Les fondateurs d'Armajaro ne sont pas des inconnus en Côte d'Ivoire

Ils ont été des acteurs majeurs de la guerre du cacao en 1990. A cette époque, pour limiter la sortie de cacao de Côte d'Ivoire,Anthony Ward et Derek Chambers n'avaient pas hésité à financer des troubles en pays Krou. Anthony Ward ainsi que Derek Chambers disposent d'un réseau importantde relations dans le monde politique ivoirien, notamment au PDCI, ainsi que des attaches avec plusieurs responsables du RDR.

Ces liens étroits se sont noués lors de la guerre du cacao et se sont renforcés avec le règlement du dossier cacao qui opposait la Côte d'Ivoire à Phibro au début des années quatrevingt-dix. Les deux hommes entretiennent d'étroites relations avec Georges Ouegnin,qui a été leur go-between avec les autorités politiques ivoiriennes de l'époque, et avec Daniel Usher, qu'ils ont financés (SICC) etavec lequel Anthony Ward s'est associé en début d'année pour installer Amajaro en Côte d'Ivoire.

Quelques années auparavant, ces mêmes traders, dans la même structure (Phibro) avaient activement participé au montage du volet financier du coup d'état contre Salvador Allende au Chili. Cette participation, couplée aux positions de Phibro sur les marchés à terme du cuivre de Londres(LME) et de New York (Comex), avait permis à ces traders d'engranger une plus-value estimée à 14 milliards de dollars américains.Avant d'être trader chez Phibro, Anthony Ward a appartenu au MI 5, le service secret britannique.

Mobutu Sese Seko
Mobutu Sese Seko ex président du Zaïre
Certains des ex-traders métaux de Phibro ont été, à une époque récente, lourdement impliqués dans des opérations de déstabilisation dans l'ex-Zaïre, notamment pour le contrôle de la production de coltran, un alliage métallique stratégique. Cette participation a été mise en évidence dans un rapport des Nations-Unies sur le pillage des richesses minières du Congo démocratique. (Voir aussi "Du Zaïre De Mobutu Au Congo De Kabila"). Une partie des financements pour ces opérations a transité par les banques sud-africaines Absa et Equator. Plusrécemment des membres de cette équipe de traders, dont certains ont rejoint le broker américain Refco, en association avec AIGFund, ont participé à deux tentatives de déstabilisation du Président Hugo Chavez du Venezuela. Le motif étant, cette fois, le
pétrole.

AIG Fund: Ce fonds d'investissement de droit américain basé à New York, spécialiste des placements sur les marchés à terme dematières premières, est une filiale du premier assureur américain, AIG. Sa branche « fonds d'investissement » sur les marchés dematières premières est dirigée par le sénégalais Mama Ndyaye. Cet homme est très lié aux familles Diouf, (actionnaire indirect dugroupe de négoce américain ADM, premier utilisateur mondial de cacao) et Wade, ainsi qu'à plusieurs personnalités ivoiriennes dont l'actuel directeur de la CAA, Victor Nembelissini, un proche d'Alassane Ouattara.

C'est également un proche d'Yves Lamblin, le président du groupe Sifca, un groupe agroalimentaire ivoirien très endetté (130 milliardsde francs CFA, après intégration de la totalité des dettes des filiales), proche de la cessation de paiement. Mama Ndyaye est également un proche dubanquier français Jean-Luc Lecorre, directeur d'African Merchant Bank, principal créancier de Sifca, et membre actif du Club Jean Jaurès.

Ces trois dernières années, AIG Fund a participé en association avec Armajaro, à plusieurs opérations de déstabilisation surles marchés à terme du cacao de New York et de Londres. A la veille des attentats du Word Trade Center en septembre 2001, AIG Fund contrôlait plus de 150.000 tonnes de cacao en filière sur les marchés à terme. Ce cacao a été transféré à Armajaro entre novembre et décembre 2001. L'attentat du World Trade Center ainsi que la chute du marché des actions depuis près d'un an ont entraîné detrès lourdes pertes pour AIG Fund qui cherche depuis à rattraper ces moins-values par une participation intense sur les marchés à termedu cacao.

Le mécanisme de financement des rebelles :

Selon une source américaine, confirmée par des informations concordantes en provenance des mondes du négoce, de la financeet de sources internes aux milieux radicaux américains, Armajaro a fait parvenir aux différents acteurs de la rébellion une somme del'ordre de 50 millions de dollars américains, soit 35 milliards de francs CFA.

Ce montant est corroboré par des informations qui sontremontées au Renseignement militaire ivoirien, ainsi qu'aux services maliens. Armajaro et ses associés dans l'opération disposentdes moyens financiers et des motifs suffisants pour lancer une opération de déstabilisation majeure dont la principale victime estl'Etat de Côte d'Ivoire. Le mécanisme s'est peu à peu mis en place, et ce, à partir de la fin novembre 2001.

Une mécanique infernale

Armajaro
A l'origine de l'opération, il s'agit essentiellement d'une opération financière à très haute rentabilité, dont l'objectif final n'était pasune déstabilisation de la Côte d'Ivoire, mais l'obtention d'un gain considérable sur les marchés à terme du cacao et sur la reventedes stocks de cacao physique entreposés dans les ports européens. La nécessité d'une déstabilisation de la Côte d'Ivoire s'est imposée,à partir de juillet, lorsqu'il est apparu évident aux initiateurs de l'opération cacao, Armajaro et AIG Fund, que la gestion de leurspositions sur les marchés à terme du cacao, à partir de la fin juin, nécessitait un passage à une dimension supérieure pour sauvegarde run gain potentiel s'inscrivant dans une fourchette de 500 à 800 millions de dollars américains, soit 280 à 450 milliards de francs
CFA.

La nécessité d'une déstabilisation s'est avérée indispensable après que l'enterrement de la réforme cacao en Côte d'Ivoire soitdevenu un fait acquis alors que la botanique et les prévisions de récolte sur la campagne principale 2002/2003 ont déjoué en partie les résultats escomptés par l'échec de la réforme de la filière cacao en Côte d'Ivoire. En juillet les anticipations laissaient présager une bonne récolte principale 2002/2003 (980.000 à 1 million tonnes). Cette prévision s'appuyait sur un usage en forte hausse des engrais et des produits phytosanitaires dans les plantations de cacao par les planteurs lié à une amélioration sensible du revenu paysan.

La chronologie

L'opération Amajaro débute en novembre dernier avec le transfert à Armajaro de la quasitotalité de la position cacao d'AIG Fund. Le reliquat est transféré à ADM Etats-Unis. A partir de ce moment,Armajaro achète sur le marché à terme près de 650.000 tonnes de cacao-papier et constitue un stock de 210.000 tonnes, soit 5% de l'offre mondiale de cacao. Acheté entre 750 et 900 livres la tonne, cette position cacao est valorisée à plus de 1.400 livres la tonne, soit un gain de … 85% à la fin juin 2002. L'envol des cours sur le marché à terme a poussé les utilisateurs de cacao, les broyeurs, à réduire  considérablement leur taux de couverture (stock).

Ils abordent la pleine saison (octobre-décembre 2002) avec des stocks à minima. Pour obtenir une valorisation maximum des stocks, qui ont été bloqués par Armajaro jusqu'à la fin novembre afin de réduire les coûts de stockage, il faut que le cacao ivoirien de la nouvelle récolte arrive le plus tard possible sur le marché international. Ce retard doit permettre à Amajaro de réaliser une plus-value de 500 à 800 millions de dollars américains.

Les obstacles à lever

Patrick Achi
Patrick Achi, ex delegué général du Cacao
Pour parvenir à cette fin, Armajaro et AIG Fund ont opéré en plusieurs étapes. Dès novembre dernier, puis en décembre, Anthony Ward estime que la réforme cacao en Côte d'Ivoire est un obstacle majeur à son opération sur le marché à terme. Il s'agit de faire capoter la réforme. Pour arriver à cette fin, trois axes d'intervention seront retenus : Un axe institutionnel via un intense lobbying auprès de la Banque Mondiale et surtout auprès du FMI, qui en théorie n'a pas de compétence en matière agricole et d'organisation de filière ; 

Un axe « politique » avec des interventions soutenues par divers relais auprès du ministre des Finances ivoirien Bohoun Bouabré et ses collaborateurs, via Victor Nembelissini. Deux axes secondaires  d'intervention sont également retenus pour « casser la réforme»  avec pour relais Patrick Achi, ex-délégué général au cacao sous le régime Guei et Emile Boga Doudou dont la fonction implicite est de convaincre l'épouse du Président, Simone Gbagbo, que la réforme de la filière cacao telle qu'elle est organisée va à l'encontredes intérêts des notables FPI dans sa zone d'influence (partie du pays Akan) . Un relais secondaire passe également par l'ex-Premier ministre du général Guei, Seydou Diarra. Ce dernier va intervenir via ses « petits », Patrick Achi et Edouard Messou.

Un axe local par le biais de relais locaux dans la filière ivoirienne du cacao tel que l'Anaproci d'Henri Amouzou, Sifca d'Yves Lamblin, l'UNOC de Jacques Mangoua et des banquiers du cacao, tel que Jean-Luc Lecorre d' AMB-BIAO. Cette action s'appuie également sur des personnes disposant d'un accès direct au couple présidentiel tel que Guy-Alain Gauze, ex-ministre PDCI des Matières premières, ou Illa Donwahi, P-D-G de Delbau,franc-tireur de la filière cacao.

Une réunion est organisée à Paris entre des représentants de Refco Etats-Unis (Chicago, New York), d'Amajaro et de André Souhma d'ACE. A ces deux réunions participent pour le ministère ivoirien de l'Economie et des Finances, Oussou Kouassi, tandis que Bohoun Bouabré, reçoit la visite de l'équipe de Refco à son hôtel, le Marriott de Neuilly. Le principe de l'arrêt de la réforme de la filière cacao, donc des ventes à terme, est arrêté dès ce moment. Cette décision est prise unilatéralement par le ministre des Finances sans en référer ni au Président, ni au Premier ministre. Cette décision est habillée pour la partie ivoirienne par la transformation de la CAA en une banque de développement destinée à financer les coopératives de producteurs et à fournir à ces derniers une assurance garantie prix bord champs.

L'éviction, en février, du ministre de l'Agriculture de l'époque, Alphonse Douati, puis son remplacement par un proche de l'Anaproci, rend possible l'avancement du plan initié par Armajaro et AIG Fund : une désorganisation de la filière cacao.

Systématiquement, les propositions en provenance de la Primature sont combattues. La mise en place des institutions nécessaires à la mise en place de la réforme sont différées et lorsqu'elles parviennent à être installées, leur contenu est dénaturés à l'exemple du FRC. Parallèlement, Victor Nembelissini, qui, jusqu'en septembre 2001, alors qu'il se trouvait aux Etats-Unis, était l'un des plus virulent critique de la politique économique ivoirienne totalement en phase avec les attaques d'Alassane Ouattara où il vilipendait la gestion FPI, arrive à la tête de la CAA. Il découvre tout l'intérêt que sa structure, la CAA, peut tirer de la mise à mal de la réforme de la filière cacao et d'une participation active à l'opération lancée par Armajaro. Il prend langue dès lors avec Paul Martin d'Absa et propose des financements, de fait à fonds perdus, à Sifca Coop et à ses satellites. 

En proposant un système de garantie de prix articulé sur le marché des options cacao et en prenant des positions identiques à celles prises par Anthony Ward via Refco Etats-Unis, la CAA est en mesure de se renflouer en partie en s'appuyant sur le réseau Sifca Coop d'Henri Amouzou et sur le couple Sifca-ADM d'Yves Lamblin ainsi que Mimran/Diouf, actionnaires d'ADM.

Henri Amouzou
Pour réaliser cet objectif, il est nécessaire que le prix du cacao en Côte d'ivoire soit libre et qu'une réforme reposant sur des ventes à terme qui garantissent la transparence des prix soit abandonnée. Pour obtenir un appui des planteurs pour cette option, Victor Nembelissini n'hésite pas à leur faire miroiter un quasi-monopole dans la commercialisation intérieure du cacao.

L'Anaproci, le FDPCC, Henri Amouzou et San Kouao mordent à l'hameçon, sans forcement en deviner les enjeux réels. Des éléments concordants laissent à penser que la CAA, via des fonds off-shore contrôlés par la banque sud-africaine Absa, a pris des positions sur le marché des options cacao. Ces achats d'options sur des niveaux définis par Refco et AIG Fund donnaient la certitude à la CAA de n'avoir rien à rembourser aux planteurs en raison d'un prix garanti bord champs relativement bas (650 francs cfa du kilo).

En revanche, la CAA était assurée de conserver à son profit la totalité des gains occasionnés par ses positions sur le marché des options cacao. Cette construction donne lieu à de multiples rencontres à New York entre Bouhoun Bouabre, Zohore, Victor Nembelissini, Refco Chicago, ACE d'André Souhma. Cette construction est renforcée par le choix « d'experts » complaisants de la Banque mondiale, violement opposés au principe d'une commercialisation intérieure et extérieure ordonnée du cacao par la Côte d'Ivoire. Parallèlement, Anthony Ward et une partie du staff dirigeant d'Amajaro multiplient les rencontres avec Henri Amouzou du FDPCC, Anaproci et Sifca Coop pour finaliser un circuit privilégié d'approvisionnement et les convaincre que la réforme de la filière cacao doit s'arrêter.

Le passage à la déstabilisation de l'Etat Logiquement, l'opération financière Amarajo aurait du s'arrêter à ce niveau. Mais la botanique est venue déjouer en partie ce plan. Dès la fin juin 2002, il est apparu évident que la récolte principale ivoirienne serait au moins égale à la précédente, si ce n'est supérieur en raison d'une forte augmentation de l'usage des engrais entraîné par la hausse des cours du cacao.

Dans ce contexte, le portage par Armajaro et AIG Fund sur les marchés à terme d'une position de 650.000 tonnes devenait aléatoire et les espoirs d'un gain mirifique (500 à 800 millions de dollars) s'éloignaient si le cacao ivoirien sortait en temps et heure à partir d'octobre. Dès la mi juillet,Armajaro, en interne, évoquait la possibilité de dégager une somme de l'ordre de 50 à 80 millions de dollars pour « tenir le marché ». Dès cette époque, plusieurs traders, et encore récemment Sucden, estimaient plus que probable qu'Armajaro pour « sauver » 500 millions de dollars « n'hésiterait pas à entreprendre un coup ».

La révolte des « mutins »

Les réseaux d'Anthony Ward et de Mama Ndyaye ont été mis en action afin d'identifier un terreau fertile à une forte perturbation des sorties de cacao de Côte d'Ivoire (comme déjà expérimenté avec le peuple Krou dans les années 90). L'existence de déserteurs de l'armée ivoirienne au Burkina Faso, au Ghana et au Mali, doublée d'un mécontentement latent des populations du nord de la Côte d'Ivoire à l'encontre du pouvoir central, a servi de cadre à l'opération. Dès lors, un habillage politique (RDR) et revendicatif (MPCI) a pu être utilisé pour masquer les buts purement financiers poursuivis parArmajaro, AIG Fund et la CAA.

Il est d'ailleurs à noter que dès la première semaine, les mutins ont abandonné de fait l'objectif d'une descente vers Abidjan pour se redéployer vers les zones de la boucle cacao et entraîner les perturbations que l'on sait dans la collecte du cacao dans la boucle principale. Ce redéploiement
a eu pour effet de pratiquement assécher les sorties de fèves sur San Pedro (15.000 tonnes semaine, soit trois fois moins que la normale en pareille période). Par voie de conséquence, les cours du cacao se maintiennent au-delà des 1.400 livres la tonne.

Surtout, les stocks de fèves aux mains d'Armajaro sont valorisés à leur maximum par les achats de broyeurs en mal de fèves pour la préparation des fêtes de Noël et de fin d'année. C'est ainsi qu'un investissement de 50 millions de dollars génère une plus value de l'ordre de 500 à 800 millions de dollars américains.

En conclusion Si le gain est considérable – de 500 à 800 millions de dollars -, l'investissement consentit par Armajaro et AIG Fund est à la hauteur des gains à réaliser. Entre les coûts d'entrée sur le marché, le stockage, les appels de marges sur les marchés à terme et les financements divers, la mise initiale est de l'ordre de 2 à 2,5 milliards de dollars, soit 1.300 milliards de francs cfa. L'ampleur de la mise impose à ces promoteurs, une obligation de résultats.

Peu importe qu'un Etat soit durablement déstabilisé, - il faut se souvenir que le Chili a mis cinq ans pour se remettre d'une crise d'une année -.L'opération initiée par Armajaro et AIG Fund est trop avancée pour être arrêtée. On comprend mieux les très violentes attaques lancées contre la réforme de la filière cacao et contre les personnalités qui la défendent. On comprend également les menaces répétées dont ont fait l'objet les rares personnes capables de décrypter l'opération en cours. Ce genre de manipulation, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ne nécessite qu'un nombre très réduit de personnes partageant le secret.

Bohoun Bouabré
Au plus une dizaine de personnes chez Armajaro, AIG Fund, Refco, disposent des éléments complets du puzzle. Il est évident également qu'au niveau ivoirien, Victor Nembelissini a disposé de la quasi totalité des cartes et des enjeux. D'ailleurs, il avait prévu un départ définitif pour les Etats-Unis à la fin décembre de cette année. Pour le reste, des bribes d'informations sur l'enjeu réel ont dû être diffusées à un certain nombre d'acteurs ivoiriens, qui ont été « rémunérés » en miettes mais qui ne disposaient pas de la finalité réelle de l'opération.

Ainsi, il est probable, sans toutefois en avoir la certitude, que le ministre des Finances, Bohoun Bouabré a été impliqué dans l'opération sur la base de son âpreté au gain, mais la technicité de l'opération exclut qu'il ait été mis dans la totalité du secret. De même, son directeur de cabinet est impliqué à la marge.

Il est évident qu'Henri Amouzou a plus été utilisé dans cette opération, il en est de même pour l'Anaproci qui a eu un rôle d'élément déstabilisateur, mais qui n'ont pas perçu la totalité des enjeux en cause. En revanche, il est a peu près certain qu'ADM, du moins les actionnaires reliés à la famille Diouf et Mimran, ainsi qu'Yves Lamblin et son banquier African Merchant Bank ( Jean-Luc Lecorre) ont été « initiés » à des degrés qui restent à définir. Les acteurs « politiques » proches du PDCI ou du RDR ne paraissent pas être des acteurs directs de cette déstabilisation de la Côte d'Ivoire.

Ils ont agit plus par opportunisme en fonction des circonstances que comme des maîtres d'oeuvre de l'opération. Les mutins, du moins pour les hommes impliqués dans les opérations sur le terrain en Côte d'Ivoire, paraissent ne pas avoir disposé de la totalité des cartes et semblent plus avoir été manipulés qu'être des acteurs concepteurs. Ils ont profité d'une opportunité importante de financement sans trop s'inquiéter ou s'interroger sur l'origine réelle des fonds dont ils disposaient. Néanmoins, les initiateurs de l'opération ont joué indirectement sur un terreau favorable et ont tout a été fait pour les mettre en avant de telle manière que l'arbre masque la forêt.

La subtilité de l'opération montée par Armajaro et AIG Fund est telle que les acteurs et les appuis indirects ont disposé dès le début de l'opération en décembre d'une marge d'autonomie considérable. Elle a été d'autant plus grande que leurs actions sur le terrain ivoirien entraient parfaitement en phase avec les objectifs financiers poursuivis par Armajaro et AIG Fund.

Il est aussi évident que des gouvernements étrangers et notamment une frange de l'Administration américaine a été mise au courant d'une partie de l'opération. Il suffit de savoir que lors des opérations précédentes de déstabilisation d'un Etat, AIG Fund a demandé un blanc-seing et a présenté, une partie de ses objectifs, à l'Administration américaine. Selon la même source, l'Ambassadeur de France en Côte d'Ivoire a été partiellement informé du volet financier de cette opération en début de semaine passée.
Le nouveau courrier


L'original de l'article


Source:  libres.org




Les objectifs de déstabilisation poursuivis par les
financiers des mutins 


Une information transmise le jeudi 24 octobre 2002 en
soirée, fait état qu'une société britannique de
négoce, récemment implantée au Ghana et en Côte
d'Ivoire : ARMAJARO, a remis, ces dernières semaines,
une somme importante à un groupe de personnes dans le
but d'entreprendre une déstabilisation de la Côte
d'Ivoire.

La somme serait au minimum de cinquante millions de
dollars américains, soit environ une trentaine de
milliards de francs CFA.

Cette information, qui a été validée auprès de traders
de cacao, des banquiers internationaux, des financiers
et des sources politiques proches des milieux
d'affaires américains radicaux, donne une explication
plausible, très vraisemblable et hautement probable,
sur l'origine de la principale source de financement
des mutins.

Cette information met en évidence les objectifs réels
poursuivis par les auteurs de ce financement des
mutins ; elle permet d'expliquer en partie, de
comprendre et de relier toute une série d'évènements
qui ont marqué depuis plusieurs mois la vie économique
de la Côte d'Ivoire et notamment dans le secteur clé
du cacao.

Amajaro et AIG Fund : les financiers de la
déstabilisation

Armajaro : cette société de négoce, dont les bureaux
sont à Londres, mais dont le siège social est basé
dans un paradis fiscal – les îles Vierges britanniques
– est dirigée par Anthony Ward. L'an passé, ce
négociant britannique a été l'un des principaux
fournisseurs de cacao du groupe agroalimentaire
américain ADM, une société présente en Côte d'Ivoire
dont les intérêts sont très étroitement liés à ceux de
Sifca, Sifca Coop et d'Anaproci Sa.

Armajaro dispose d'un agrément d'exportateur de cacao
en Côte d'Ivoire depuis peu de temps.

La filiale ivoirienne d'Amajaro est associée avec
Daniel Usher qui est un proche de Georges Ouegnin,
lui-même ayant été l'interface entre Anthony Ward et
Houphouët-Boigny lors de la guerre du cacao en
1988-1991.

Daniel Usher est également très proche d'Ali Anjani,
un trader de sucre, proche de Victor Nembelissini qui
assurait, à l'époque où il travaillait à Equator Bank
ses financements. Daniel Usher et Victor Nembelissini
sont très proches d'Alassane Ouattara et d'Yves
Lamblin, même si les relations entre les deux hommes
sont marquées par un violent antagonisme.

Au Ghana, Armajaro est dirigé par Steven White, un
financier britannique expert de la gestion des fonds
d'investissement spécialistes des matières premières
sur les marchés à terme ainsi que des montages
financiers mettant en jeu des sociétés financières
off-shore.

L'essentiel des financements destinés aux mutins
auraient transité par la branche ghanéenne d'Amajaro.
Plusieurs transferts de fonds en provenance de
Londres, de l'ordre de 1,250 million de dollars (820
millions de francs CFA) à chaque fois, ont été
identifiés par les Services spécialisés, ces dernières
semaines. Certains de ces transferts en liquide ont
été opérés et convoyés entre Londres et Accra par
Monsieur Maignan, un homme d'affaires français qui,
dans un passé récent, était l'homme de confiance pour
les opérations financières de plusieurs dirigeants du
PDCI.

Armajaro a été fondée par les anciens de Phibro (Philip
Brothers), il y a cinq ans. Armajaro, durant ces quatre
dernières années, a été impliquée à plusieurs reprises
dans des « étranglements de marché » sur le marché à
terme de Londres en association avec plusieurs fonds
de pensions (AIG Fund, Tiger Fund du financier
américain Georges Soros un proche de Victor
Nembelissini et d'Alassane Ouattara, African Managment
Fund, un fond d'investissement diversifié opéré en
partie par la banque sud-africaine Absa, dirigé par
Paul Martin, un ami de Frank Kennedy d'Equator Bank et
de Victor Nembelissini). Anthony Ward est le
conseiller cacao de Mama Ndyaye d'AIG Fund.

Les fondateurs d'Armajaro ne sont pas des inconnus en
Côte d'Ivoire.

Ils ont été des acteurs majeurs de la guerre du cacao
en 1990.

A cette époque, pour limiter la sortie de cacao de
Côte d'Ivoire, Anthony Ward et Derek Chambers
n'avaient pas hésité à financer des troubles en pays
Krou.

Anthony Ward ainsi que Derek Chambers disposent d'un
réseau important de relations dans le monde politique
ivoirien, notamment au PDCI, ainsi que des attaches
avec plusieurs responsables du RDR. Ces liens étroits
se sont noués lors de la guerre du cacao et se sont
renforcés avec le règlement du dossier cacao qui
opposait la Côte d'Ivoire à Phibro au début des années
quatre-vingt-dix. Les deux hommes entretiennent
d'étroites relations avec Georges Ouegnin, qui a été
leur go-between avec les autorités politiques
ivoiriennes de l'époque, et avec Daniel Usher, qu'ils
ont financés (SICC) et avec lequel Anthony Ward s'est
associé en début d'année pour installer Amajaro en
Côte d'Ivoire.

Quelques années auparavant, ces mêmes traders, dans la
même structure (Phibro) avaient activement participé
au montage du volet financier du coup d'état contre
Salvador Allende au Chili.

Cette participation, couplée aux positions de Phibro
sur les marchés à terme du cuivre de Londres (LME) et
de New York (Comex), avait permis à ces traders
d'engranger une plus-value estimée à 14 milliards de
dollars américains.

Avant d'être trader chez Phibro, Anthony Ward a
appartenu au MI 5, le service secret britannique.

Certains des ex-traders métaux de Phibro ont été, à
une époque récente, lourdement impliqués dans des
opérations de déstabilisation dans l'ex-Zaïre,
notamment pour le contrôle de la production de
coltran, un alliage métallique stratégique. Cette
participation a été mise en évidence dans un rapport
des Nations-Unies sur le pillage des richesses
minières du Congo démocratique. Une partie des
financements pour ces opérations a transité par les
banques sud-africaines Absa et Equator.

Plus récemment des membres de cette équipe de traders,
dont certains ont rejoint le broker américain Refco,
en association avec AIG Fund, ont participé à deux
tentatives de déstabilisation du Président Hugo Chavez
du Venezuela. Le motif étant, cette fois, le pétrole.

AIG Fund: Ce fond d'investissement de droit américain
basé à New York, spécialiste des placements sur les
marchés à terme de matières premières, est une filiale
du premier assureur américain, AIG. Sa branche « fond
d'investissement » sur les marchés de matières
premières est dirigée par le sénégalais Mama Ndyaye.

Cet homme est très lié aux familles Diouf,
(actionnaire indirect du groupe de négoce américain
ADM, premier utilisateur mondial de cacao) et Wade,
ainsi qu'à plusieurs personnalités ivoiriennes dont
l'actuel directeur de la CAA, Victor Nembelissini, un
proche d'Alassane Ouattara. C'est également un proche
d'Yves Lamblin, le président du groupe Sifca, un
groupe agro-alimentaire ivoirien très endetté (130
milliards de francs CFA, après intégration de la
totalité des dettes des filiales), proche de la
cessation de paiement.

Mama Ndyaye est également un proche du banquier
français Jean-Luc Lecorre, directeur d'African
Merchant Bank, principal créancier de Sifca, et membre
actif du Club Jean Jaurès.

Ces trois dernières années, AIG Fund a participé en
association avec Armajaro, à plusieurs opérations de
déstabilisation sur les marchés à terme du cacao de
New York et de Londres.

A la veille des attentats du Word Trade Center en
septembre 2001, AIG Fund contrôlait plus de 150.000
tonnes de cacao en filière sur les marchés à terme. Ce
cacao a été transféré à Armajaro entre novembre et
décembre 2001.

L'attentat du World Trade Center ainsi que la chute du
marché des actions depuis près d'un an ont entraîné de
très lourdes pertes pour AIG Fund qui cherche depuis à
rattraper ces moins-values par une participation
intense sur les marchés à terme du cacao.

Le mécanisme de financement des mutins:

Selon une source américaine, confirmée par des
informations concordantes en provenance des mondes du
négoce, de la finance et de sources internes aux
milieux radicaux américains, Armajaro a fait parvenir
aux différents acteurs de la mutinerie une somme de
l'ordre de 50 millions de dollars américains, soit 35
milliards de francs CFA. Ce montant est corroboré par
des informations qui sont remontées au Renseignement
militaire ivoirien, ainsi qu'aux services maliens.

Amajaro et ses associés dans l'opération disposent des
moyens financiers et des motifs suffisants pour lancer
une opération de déstabilisation majeure dont la
principale victime est l'Etat de Côte d'Ivoire.

Le mécanisme s'est peu à peu mis en place, et ce, à
partir de la fin novembre 2001.

Une mécanique infernale

A l'origine de l'opération, il s'agit essentiellement
d'une opération financière à très haute rentabilité,
dont l'objectif final n'était pas une déstabilisation
de la Côte d'Ivoire, mais l'obtention d'un gain
considérable sur les marchés à terme du cacao et sur
la revente des stocks de cacao physique entreposés
dans les ports européens.

La nécessité d'une déstabilisation de la Côte d'Ivoire
s'est imposée, à partir de juillet, lorsqu'il est
apparu évident aux initiateurs de l'opération cacao,
Armajaro et AIG Fund, que la gestion de leurs positions
sur les marchés à terme du cacao, à partir de la fin
juin, nécessitait un passage à une dimension
supérieure pour sauvegarder un gain potentiel
s'inscrivant dans une fourchette de 500 à 800 millions
de dollars américains, soit 280 à 450 milliards de
francs CFA.

La nécessité d'une déstabilisation s'est avérée
indispensable après que l'enterrement de la réforme
cacao en Côte d'Ivoire soit devenu un fait acquis
alors que la botanique et les prévisions de récolte
sur la campagne principale 2002/2003 ont déjoué en
partie les résultats escomptés par l'échec de la
réforme de la filière cacao en Côte d'Ivoire.

En juillet les anticipations laissaient présager une
bonne récolte principale 2002/2003 (980.000 à 1
million tonnes). Cette prévision s'appuyait sur un
usage en forte hausse des engrais et des produits
phytosanitaires dans les plantations de cacao par les
planteurs lié à une amélioration sensible du revenu
paysan.

La chronologie

L'opération Amajaro débute en novembre dernier avec le
transfert à Armajaro de la quasi-totalité de la
position cacao d'AIG Fund.

Le reliquat est transféré à ADM Etats-Unis.

A partir de ce moment, Armajaro achète sur le marché à
terme près de 650.000 tonnes de cacao-papier et
constitue un stock de 210.000 tonnes, soit 5% de
l'offre mondiale de cacao.

Acheté entre 750 et 900 livres la tonne, cette
position cacao est valorisée à plus de 1.400 livres la
tonne, soit un gain de … 85% à la fin juin 2002.

L'envol des cours sur le marché à terme a poussé les
utilisateurs de cacao, les broyeurs, à réduire
considérablement leur taux de couverture (stock).

Ils abordent la pleine saison (octobre-décembre 2002)
avec des stocks à minima.

Pour obtenir une valorisation maximum des stocks, qui
ont été bloqués par Armajaro jusqu'à la fin novembre
afin de réduire les coûts de stockage, il faut que le
cacao ivoirien de la nouvelle récolte arrive le plus
tard possible sur le marché international.

Ce retard doit permettre à Amajaro de réaliser une
plus-value de 500 à 800 millions de dollars
américains.

Les obstacles à lever

Pour parvenir à cette fin, Amajaro et AIG Fund ont
opéré en plusieurs étapes.

Dès novembre dernier, puis en décembre, Anthony Ward
estime que la réforme cacao en Côte d'Ivoire est un
obstacle majeur à son opération sur le marché à terme.


Il s'agit de faire capoter la réforme. Pour arriver à
cette fin, trois axes d'intervention seront retenus :
Un axe institutionnel via un intense lobbying auprès
de la Banque Mondiale et surtout auprès du FMI, qui en
théorie n'a pas de compétence en matière agricole et
d'organisation de filière ;

Un axe « politique » avec des interventions soutenues
par divers relais auprès du ministre des Finances
ivoirien Bouhoun Bouabre et ses collaborateurs, via
Victor Nembelissini. Deux axes secondaires
d'intervention sont également retenus pour « casser la
réforme » avec pour relais Patrick Achi, ex-délégué
général au cacao sous le régime Guei et Emile
Bogadoudou dont la fonction implicite est de
convaincre l'épouse du Président, Simone Gbagbo, que
la réforme de la filière cacao telle qu'elle est
organisée va à l'encontre des intérêts des notables
FPI dans sa zone d'influence (partie du pays Akan) .
Un relais secondaire passe également par l'ex-Premier
ministre du général Guei, Seydou Diarra. Ce dernier va
intervenir via ses « petits », Patrick Achi et Edouard
Messou;

Un axe local par le biais de relais locaux dans la
filière ivoirienne du cacao tel que l'Anaproci d'Henri
Amouzou, Sifca d'Yves Lamblin, l'UNOC de Jacques
Mangoua et des banquiers du cacao, tel que Jean-Luc
Lecorre d' AMB-BIAO. Cette action s'appuie également
sur des personnes disposant d'un accès direct au
couple présidentiel tel que Guy-Alain Gauze,
ex-ministre PDCI des Matières premières, ou Illa
Donwahi, P-D-G de Delbau, franc-tireur de la filière
cacao.

Une réunion est organisée à Paris entre des
représentants de Refco Etats-Unis (Chicago, New York),
d'Amajaro et de André Souhma d'ACE.

A ces deux réunions participent pour le ministère
ivoirien de l'Economie et des Finances, Oussou
Kouassi, tandis que Bouhoun Bouabre, reçoit la visite
de l'équipe de Refco à son hôtel, le Marriott de
Neuilly.

Le principe de l'arrêt de la réforme de la filière
cacao, donc des ventes à terme, est arrêté dès ce
moment. Cette décision est prise unilatéralement par
le ministre des Finances sans en référer ni au
Président, ni au Premier ministre.

Cette décision est habillée pour la partie ivoirienne
par le transformation de la CAA en une banque de
développement destinée à financer les coopératives de
producteurs et à fournir à ces derniers une assurance
garantie prix bord champs.

L'éviction, en février, du ministre de l'Agriculture
de l'époque, Alphonse Douati, puis son remplacement
par un proche de l'Anaproci, rend possible
l'avancement du plan initié par Amajaro et AIG Fund :
une désorganisation de la filière cacao.
Systématiquement, les propositions en provenance de la
Primature sont combattues. La mise en place des
institutions nécessaires à la mise en place de la
réforme sont différées et lorsqu'elles parviennent à
être installées, leur contenu est dénaturés à
l'exemple du FRC.

Parallèlement, Victor Nembelissini, qui, jusqu'en
septembre 2001, alors qu'il se trouvait aux
Etats-Unis, était l'un des plus virulent critique de
la politique économique ivoirienne totalement en phase
avec les attaques d'Alassane Ouattara où il
vilipendait la gestion FPI, arrive à la tête de la
CAA. Il découvre tout l'intérêt que sa structure, la
CAA, peut tirer de la mise à mal de la réforme de la
filière cacao et d'une participation active à
l'opération lancée par Armajaro. Il prend langue dès
lors avec Paul Martin d'Absa et propose des
financements, de fait à fonds perdus, à Sifca Coop et
à ses satellites.

En proposant un système de garantie de prix articulé
sur le marché des options cacao et en prenant des
positions identiques à celles prises par Anthony Ward
via Refco Etats-Unis, la CAA est en mesure de se
renflouer en partie en s'appuyant sur le réseau Sifca
Coop d'Henri Amouzou et sur le couple Sifca-ADM d'Yves
Lamblin ainsi que Mimran/Diouf, actionnaires d'ADM.
Pour réaliser cet objectif, il est nécessaire que le
prix du cacao en Côte d'ivoire soit libre et qu'une
réforme reposant sur des ventes à terme qui
garantissent la transparence des prix soit abandonnée.
Pour obtenir un appui des planteurs pour cette option,
Victor Nembelissini n'hésite pas à leur faire miroiter
un quasi-monopôle dans la commercialisation intérieure
du cacao. L'Anaproci, le FDPCC, Henri Amouzou et San
San Kouao mondent à l'hameçon, sans forcement en
deviner les enjeux réels.

Des éléments concordants laissent à penser que la CAA,
via des fonds off-shore contrôlés par la banque
sud-africaine Absa, a pris des positions sur le marché
des options cacao.

Ces achats d'options sur des niveaux définis par Refco
et AIG Fund donnaient la certitude à la CAA de n'avoir
rien à rembourser aux planteurs en raison d'un prix
garanti bord champs relativement bas (650 francs cfa
du kilo).

En revanche, la CAA était assurée de conserver à son
profit la totalité des gains occasionnés par ses
positions sur le marché des options cacao.

Cette construction donne lieu à de multiples
rencontres à New York entre Bouhoun Bouabre, Zohore,
Victor Nembelissini, Refco Chicago, ACE d'André
Souhma. Cette construction est renforcée par le choix
« d'experts » complaisants de la Banque mondiale,
violement opposés au principe d'une commercialisation
intérieure et extérieure ordonnée du cacao par la Côte
d'Ivoire.

Parallèlement, Anthony Ward et une partie du staff
dirigeant d'Amajaro multiplient les rencontres avec
Henri Amouzou du FDPCC, Anaproci et Sifca Coop pour
finaliser un circuit privilégié d'approvisionnement et
les convaincre que la réforme de la filière cacao doit
s'arrêter.

Le passage à la déstabilisation de l'Etat

Logiquement, l'opération financière Amarajo aurait du
s'arrêter à ce niveau. Mais la botanique est venue
déjouer en partie ce plan.

Dès la fin juin 2002, il est apparu évident que la
récolte principale ivoirienne serait au moins égale à
la précédente, si ce n'est supérieur en raison d'une
forte augmentation de l'usage des engrais entraîné par
la hausse des cours du cacao.

Dans ce contexte, le portage par Armajaro et AIG Fund
sur les marchés à terme d'une position de 650.000
tonnes devenait aléatoire et les espoirs d'un gain
mirifique (500 à 800 millions de dollars)
s'éloignaient si le cacao ivoirien sortait en temps et
heure à partir d'octobre.

Dès la mi-juillet, Armajaro, en interne, évoquait la
possibilité de dégager une somme de l'ordre de 50 à 80
millions de dollars pour « tenir le marché ».

Dès cette époque, plusieurs traders, et encore
récemment Sucden, estimaient plus que probable
qu'Armajaro pour « sauver » 500 millions de dollars
« n'hésiterait pas à entreprendre un coup ».

La révolte des « mutins »

Les réseaux d'Anthony Ward et de Mama Ndyaye ont été
mis en action afin d'identifier un terreau fertile à
une forte perturbation des sorties de cacao de Côte
d'Ivoire (comme déjà expérimenté avec le peuple Krou
dans les années 90).

L'existence de déserteurs de l'armée ivoirienne au
Burkina Faso, au Ghana et au Mali, doublée d'un
mécontentement latent des populations du nord de la
Côte d'Ivoire à l'encontre du pouvoir central, a servi
de cadre à l'opération.

Dès lors, un habillage politique (RDR) et revendicatif
(MPCI) a pu être utilisé pour masquer les buts
purement financiers poursuivis par Armajaro, AIG Fund
et la CAA.

Il est d'ailleurs à noter que dès la première semaine,
les mutins ont abandonné de fait l'objectif d'une
descente vers Abidjan pour se redéployer vers les
zones de la boucle cacao et entraîner les
perturbations que l'on sait dans la collecte du cacao
dans la boucle principale.

Ce redéploiement a eu pour effet de pratiquement
assécher les sorties de fèves sur San Pedro (15.000
tonnes semaine, soit trois fois moins que la normale
en pareille période).

Par voie de conséquence, les cours du cacao se
maintiennent au-delà des 1.400 livres la tonne.

Surtout, les stocks de fèves aux mains d'Armajaro sont
valorisés à leur maximum par les achats de broyeurs en
mal de fèves pour la préparation des fêtes de Noël et
de fin d'année.

C'est ainsi qu'un investissement de 50 millions de
dollars génère une plus value de l'ordre de 500 à 800
millions de dollars américains.

En conclusion

Si le gain est considérable – de 500 à 800 millions de
dollars -, l'investissement consentit par Amajaro et
AIG Fund est à la hauteur des gains à réaliser.

Entre les coûts d'entrée sur le marché, le stockage,
les appels de marges sur les marchés à terme et les
financements divers, la mise initiale est de l'ordre
de 2 à 2,5 milliards de dollars, soit 1.300 milliards
de francs cfa.

L'ampleur de la mise impose à ces promoteurs, une
obligation de résultats.

Peu importe qu'un Etat soit durablement déstabilisé, -
il faut se souvenir que le Chili a mis cinq ans pour
se remettre d'une crise d'une année -.

L'opération initiée par Armajaro et AIG Fund est trop
avancée pour être arrêtée.

On comprend mieux les très violentes attaques lancées
contre la réforme de la filière cacao et contre les
personnalités qui la défendent.

On comprend également les menaces répétées dont ont
fait l'objet les rares personnes capables de décrypter
l'opération en cours.

Ce genre de manipulation, contrairement à ce que l'on
pourrait penser, ne nécessite qu'un nombre très réduit
de personnes partageant le secret.

Au plus une dizaine de personnes chez Armajaro, AIG
Fund, Refco, disposent des éléments complets du
puzzle.

Il est évident également qu'au niveau ivoirien, Victor
Nembelissini a disposé de la quasi totalité des cartes
et des enjeux. D'ailleurs, il avait prévu un départ
définitif pour les Etats-Unis à la fin décembre de
cette année.

Pour le reste, des bribes d'informations sur l'enjeu
réel ont dû être diffusées à un certain nombre
d'acteurs ivoiriens, qui ont été « rémunérés » en
miettes mais qui ne disposaient pas de la finalité
réelle de l'opération.

Ainsi, il est probable, sans toutefois en avoir la
certitude, que le ministre des Finances, Bouhoun
Bouabre a été impliqué dans l'opération sur la base de
son âpreté au gain, mais la technicité de l'opération
exclut qu'il ait été mis dans la totalité du secret.

De même, son directeur de cabinet est impliqué à la
marge.

Il est évident qu'Henri Amouzou a plus été utilisé
dans cette opération, il en est de même pour
l'Anaproci qui a eu un rôle d'élément déstabilisateur,
mais qui n'ont pas perçu la totalité des enjeux en
cause.

En revanche, il est a peu près certain qu'ADM, du
moins les actionnaires reliés à la famille Diouf et
Mimran, ainsi qu'Yves Lamblin et son banquier African
Merchant Bank ( Jean-Luc Lecorre) ont été « initiés »
à des degrés qui restent à définir.

Les acteurs « politiques » proches du PDCI ou du RDR
ne paraissent pas être des acteurs directs de cette
déstabilisation de la Côte d'Ivoire. Ils ont agit plus
par opportunisme en fonction des circonstances que
comme des maîtres d'œuvre de l'opération. Les mutins,
du moins pour les hommes impliqués dans les opérations
sur le terrain en Côte d'Ivoire, paraissent ne pas
avoir disposer de la totalité des cartes et semblent
plus avoir été manipulés qu'être des acteurs
concepteurs. Ils ont profité d'une opportunité
importante de financement sans trop s'inquiéter ou
s'interroger sur l'origine réelle des fonds dont ils
disposaient.

Néanmoins, les initiateurs de l'opération ont joué
indirectement sur un terreau favorable et ont tout a
été fait pour les mettre en avant de telle manière que
l'arbre masque la forêt. La subtilité de l'opération
montée par Armajaro et AIG Fund est telle que les
acteurs et les appuis indirects ont disposé dès le
début de l'opération en décembre d'une marge
d'autonomie considérable. Elle a été d'autant plus
grande que leurs actions sur le terrain ivoirien
entraient parfaitement en phase avec les objectifs
financiers poursuivis par Armajaro et AIG Fund.

Il est aussi évident que des gouvernements étrangers
et notamment une frange de l'Administration américaine
a été mise au courant d'une partie de l'opération.

Il suffit de savoir que lors des opérations
précédentes de déstabilisation d'un Etat, AIG Fund a
demandé un blanc-seing et a présenté, une partie de
ses objectifs, à l'Administration américaine.

Selon la même source, l'Ambassadeur de France en Côte
d'Ivoire a été partiellement informé du volet
financier de cette opération en début de semaine
passée.

Recommandations

Les règles de sécurité en usage dans les maisons de
négoce, chez les brokers et dans les banques
d'affaires laissent à penser que toutes les traces
écrites sur le volet financier de l'opération soient
« sécurisées » ou en cours de destruction.

Néanmoins, des demandes d'entraide judicaires peuvent
être déposées auprès des Etats-Unis et de la
Grande-Bretagne afin d'identifier des mouvements de
fonds et obtenir des éléments de preuve (rencontres,
voyages, contrats, mouvements de fonds).

Sur le plan ivoirien des mesures complexes et
difficiles à gérer s'imposent :
Mesures de sauvegarde et de conservation de preuves :
Il est important que soient mis sous mesures
conservatoires les documents, comptabilité, comptes
bancaires et documents administratifs des institutions
suivantes : CAA, FDPCC, Sifca, Sifca Coop, ACE, ADM,
Armajaro.

Des perquisitions doivent être menées chez les
personnes mises en cause (Victor Nembellissini,
Bouhoun Bouabre, Zohore, Henri Amouzou, Daniel Usher,
Georges Ouegnin, Amedée Effi, Yves Lamblin, André
Souhma, etc.

Ces mesures conservatoires devraient être prises dans
les plus brefs délais pour tenter de faire échouer
l'opération financière en cours et permettre à la Côte
d'Ivoire de disposer des éléments de preuves pour se
retourner contre les initiateurs.

Mesures d'éloignement des centres de décisions des
personnes mises en cause.

Il est plus que probable que les mutins à l'exception
de IB et Boka Yapi qui auraient déjà touché
d'importantes sommes, (Soro ?) ignorent la finalité de
leur combat et qu'ils aient été l'objet d'une
manipulation.

Le dévoilement de la finalité réelle de l'opération
pourrait contribuer à les rendre plus réceptifs à un
dialogue constructif.

Source libres.org 

Guy André Kieffer

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire