04 octobre 1995
La Côte-d'Ivoire est en proie à de violentes manifestations avant l'élection présidentielle;
Les deux principaux partis d'opposition refusent de participer au scrutin
AUTEUR: PICARD FRANCOIS
RUBRIQUE: International
LONGUEUR: 510 words
ENCART: Selon le quotidien gouvernemental Fraternité-Matin, deux manifestants ont été tués, lundi 2 octobre, l'un à Bouafle et l'autre à Ouangolodougou. En outre, à Abidjan, un gendarme a été tué accidentellement lors des manifestations. Les deux principaux partis de l'opposition n'ont pas présenté de candidats. Le président Henri Konan Bédié devait recevoir, mardi, les dirigeants de toutes les formations politiques.
Depuis près de deux semaines, l'opposition s'efforçait de braver l'interdiction de manifester décidée par le gouvernement, mais, lundi 2 octobre, le mouvement de protestation, organisé cette fois dans l'ensemble du pays par les partis réunis au sein du Front républicain, a pris une tout autre ampleur. L'opposition dénonce le nouveau code électoral qui, selon elle, ne garantit pas des élections claires et transparentes, et empêche notamment la candidature d'un rival potentiel du président Bédié, l'ancien premier ministre Alassane Ouattara.
Après que l'opposition eut décidé, en septembre, de multiplier défilés et réunions de protestation, les autorités ont, dans un premier temps, brutalement dispersé plusieurs petits rassemblements pacifiques. Depuis dix jours, elles ont interdit toute manifestation sur la voie publique pour une période de trois mois, afin de ne pas perturber l'activité économique du pays pendant la période électorale.
UN GENDARME TUE
Lundi, dans plusieurs villes de l'intérieur du pays, les manifestations ont fait deux morts, selon le quotidien gouvernemental Fraternité Matin, et plusieurs blessés par balles, tandis que le mouvement affectait plusieurs quartiers de la capitale, Abidjan.
Un gendarme a trouvé la mort accidentellement dans la banlieue populaire de Yopougon, écrasé par le véhicule d'un collègue qui en avait perdu le contrôle après des jets de pierres.
Le quartier d'Abobo, théâtre de petites échauffourées les jours précédents, était paralysé par les combats de rue. Des jeunes en colère ont érigé des barricades, avec des étals de marché et des pneus enflammés. Les forces de l'ordre ont répondu aux jets de pierres par des tirs de gaz lacrymogènes, alors qu'au milieu de la grande place de la gare routière brûlait une voiture bâchée de la gendarmerie. Le domicile du maire d'Abobo a été saccagé.
A Daloa, dans le centre-ouest du pays, le tribunal et la mairie ont été incendiés. S'il y a eu des débordements à cause des pillards et des casseurs, il est clair que souvent les manifestants visaient bien les symboles du pouvoir en place.
Pendant ce temps-là, au Palais des congrès de l'Hôtel Ivoire, à Abidjan, s'ouvrait, sous haute surveillance, un forum pour encourager les investissements étrangers dans le pays. Parmi les participants figurait le ministre français de la coopération, Jacques Godfrain, qui a estimé que tout commentaire sur ces troubles serait hors sujet.
L'opposition perd la tête, a déclaré le premier ministre, Daniel Kablan Duncan, en soulignant qu' il faut éviter les comportements de désespoir.
Dimanche soir, le délai pour le dépôt des candidatures à l'élection présidentielle est passé sans que les principaux opposants Laurent Gbagbo, chef du Front populaire ivoirien (FPI), et les partisans de M. Ouattara au sein du Rassemblement des Républicains (RDR) ne déposent de dossier. Le secrétaire général du RDR, Djeny Kobia, a parlé de boycottage actif du scrutin.
Nous allons continuer à manifester, a-t-il ajouté, jusqu'à ce que les conditions pour des élections régulières soient réunies.
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