Depuis quelques jours, une lettre d'aveux circule dans les rédactions d'Abidjan. Signée d'un obscur " collectif de cadres patriotes Yacouba ", de l'ethnie du Général Robert Guéi, ancien chef de la junte militaire, cette correspondance tend à éclairer l'opinion publique nationale et internationale sur les dessous de la crise Ivoirienne. Son titre : " La vérité sur les événements qui ont déchiré la Côte d'Ivoire ".
" Cher(e)s compatriotes,
Nous sommes un collectif de cadres d'ethnie Yacouba qui avons décidé, au nom de la vérité et du patriotisme vrai, de faire les révélations suivantes. Nous précisons au départ que c'est une démarche tout à fait personnelle au collectif et non une initiative de notre frère, le Général Guéi.
Chers compatriotes, un débat houleux a eu lieu au sein de notre collectif afin de dire oui ou non la vérité aux Ivoiriens, et, finalement, une majorité s'est exprimée après un vote pour dire cette vérité et être libérés moralement. Que notre aîné, le Général Guéi nous pardonne le fait de n'avoir pas résisté à la tentation de dire la vérité, toute la vérité aux Ivoiriens. En effet, le Général Guéi a reçu à sa demande toutes les communautés Malinké de la région des 18 Montagnes et du Bafing pour leur dire ceci : " Je vous demande pardon, mes chers parents et alliés. Je reconnais que tout ce qui est arrivé est triste. J'assume ma part de responsabilité, mais je vous demande de pardonner les torts que vous avez subis ". Sur cette rencontre, des témoins existent à Man, à Biankouma comme à Touba. Quelques jours après cette rencontre, nous, les cadres Yacouba, avons été reçus par le Général Guéi, notre frère. Il nous a alors fait part de la haute trahison dont il a été victime par Gbagbo.
En effet, il nous a confié qu'après un contrat signé entre les deux hommes, Gbagbo a juré sur tout ce qui lui est cher, et pire, la main sur la Bible (s'il vous plaît) de ne jamais le trahir. Que Gbagbo lui a proposé d'être son Premier ministre, et que même si aux présidentielles il l'emportait, il laisserait passer le Général Guéi. Donc, les choses étaient convenues ainsi. Le Général Guéi nous a ensuite révélé que Gbagbo a été l'un des principaux artisans de l'élimination de la candidature de M. Alassane Ouattara et de tous les candidats du PDCI. Le Général a rappelé que le jour où Gbagbo, Boga Doudou, Tia Koné et lui-même décidaient de rejeter la candidature de M. Alassane Ouattara, un certain M. Robert Bourgi, Conseiller de M. Chirac et membre important de la cellule africaine de l'Élysée était présent.
Comment en est-on arrivé aujourd'hui à une déchirure si profonde dans notre pays ? D'abord, le Général Guéi nous a dit qu'il ne voulait pas se présenter au départ, mais que Gbagbo, voyant qu'en cas de compétition face à M. Alassane Ouattara, Président du RDR, ou face à n'importe quel candidat du PDCI il se ferait étaler à plate couture, a commencé donc à lui faire la cour. Se rendant nuitamment chez lui de manière très fréquente, toujours en cherchant à le convaincre de se présenter aux présidentielles, mais surtout d'éliminer la candidature de M. Alassane Ouattara et tous les candidats PDCI pour être sûr de gagner, lui étant déjà prêt à être son Premier ministre. D'un autre côté, le Général nous a révélé que la direction du PDCI, dans sa grande majorité, l'avait approché pour le convaincre de se présenter aux présidentielles sous la bannière de leur parti. En plus de ces responsables de la haute direction du PDCI, 75 autres cadres anciens députés PDCI émargeaient à la présidence, et donc soutenaient la candidature du Général (nous rappelons pour mémoire que MM. Fologo, Akoto Yao, Balla Kéita et Lamine Fadika ont même effectué des voyages à l'étranger pour plaider la candidature du Général Guéi).
Concernant les trois autres Généraux du CNSP, le Général Guéi a eu l'honnêteté de reconnaître que les Généraux Palenfo et Coulibaly étaient opposés à sa candidature, alors que le Général Doué y était favorable, mais soutenait en réalité Gbagbo. Ce qui explique qu'à la dernière minute, le Général Doué (après avoir battu campagne pour Guéi) a retourné sa veste pour "abattre" ce dernier en prenant fait et cause pour Gbagbo, ce qui lui vaut actuellement d'être Chef d'État-major. Mettant ainsi en application le coup d'État militaro-civil qu'avaient préparés lui, Doué, l'ambassadeur de France Francis Lott, M. Guy Labertit (qui était même venu chez Gbagbo bien avant le début de la campagne présidentielle pour préparer le coup), Charles Josselin et le Commandant en second de la Gendarmerie d'alors, tout ceci avec la bénédiction bien sûr, de Monseigneur Agré. Aculé par la Direction du FPI de se présenter, le Général Guéi nous a dit qu'il a fini par céder. Ce qui explique l'arrêt des poursuites contre les barons du PDCI qui avaient détourné les deniers publics et commis de nombreuses malversations. D'autre part, la France, par son ambassadeur Francis Lott, de même que Monseigneur Agré ont aussi une grande responsabilité dans cette déchirure profonde de notre pays. En effet, voilà ce que nous a révélé notre frère Guéi. Après la rencontre qu'il a eue avec les religieux pour décrisper la situation, rencontre au cours de laquelle l'imam Fofana l'a convaincu de la nécessité vitale pour notre pays que tous les candidats devaient aller aux élections présidentielles, et où lui-même a pris la parole et promis œuvrer désormais dans ce sens, il a révélé ce jour à tous les Ivoiriens que la division entre nous qui avait déjà pris forme était l'œuvre de "démons" tapis dans l'ombre. Le Général Guéi nous a révélé qu'après cette rencontre, les choses étaient désormais claires dans son esprit, et il a décidé de respecter son engagement pris au départ de balayer la maison Ivoire et de partir. Mais, poursuit-il, la même nuit, Gbagbo a rasé les murs pour aller le voir et le supplier (il insiste sur le mot) de ne pas écouter les religieux, de se présenter aux élections présidentielles et d'écarter la candidature d'Alassane Ouattara. Il poursuit toujours en révélant qu'à sa grande surprise, Monseigneur Agré demande à le rencontrer le lendemain soir pour lui dire de ne pas céder et de se présenter aux présidentielles. Le surlendemain, c'est l'ambassadeur de France en Côte d'Ivoire, M. Francis Lott, qui le rencontrait en privé, et également, à sa très grande surprise (il insiste particulièrement dessus), lui disait de ne pas céder.
Ensuite, avant la rencontre de Yamoussoukro avec les Présidents Eyadéma et Kérékou, les même trois personnes (Gbagbo, Monseigneur Agré et Francis Lott) l'ont acculé et l'ont amené à faire acte de candidature la veille même de l'arrivée des Présidents Eyadéma et Kérékou, pour couper court à toute discussion. Le Président Malien, M. Konaré, qui devait prendre part à la rencontre, a annulé son arrivée en dernière minute, considérant que c'était peine perdue d'aller discuter avec quelqu'un qui avait déjà annoncé la veille sa candidature. Après le départ des deux présidents venus lui prodiguer le conseil de se retirer de la course, notre frère nous a révélé que les même trois personnes son revenus à la charge, chacun pour lui dire de ne pas céder, naturellement avec l'objectif d'écarter M. Alassane Ouattara. Enfin, après le départ de la mission de l'OUA comprenant les Présidents de l'Afrique du Sud, du Nigeria, du Sénégal, du Togo, de l'Algérie, le SG de l'OUA et même le représentant des Nations Unies, le Général Guéi nous a révélé que le même scénario s'est produit. Gbagbo va nuitamment lui dire de ne pas céder, Monseigneur Agré le harcèle dans le même sens, et l'ambassadeur de France Francis Lott l'encourage à rester ferme au mépris total (selon les propres termes de Guéi, et il insiste là-dessus) de la paix sociale dans notre pays.
Par ailleurs, notre confrère Guéi nous a révélé qu'à deux reprises, feu le Président Houphouët lui est apparu en rêve pour lui dire de céder pour l'amour de son pays, mais que les démons autour de lui l'ont enfoncé. Nous avons demandé à notre frère quelles étaient les motivations profondes de ces trois personnes qui l'ont ainsi harcelé.
Il nous a révélé ceci.
D'abord, Gbagbo Laurent : "Ce dernier m'a confessé qu'il avait une haine viscérale pour M. Alassane Ouattara ; que si ce dernier était candidat, il serait élu au premier tour, vu sa popularité ; qu'il a certaines choses à se reprocher qu'Alassane Ouattara mettra au grand jour s'il arrivait au pouvoir ; enfin, qu'au prochain congrès du FPI, il doit céder la présidence et qu'il lui faut un point de chute pour ne pas être à la touche d'où le poste de Premier ministre qu'il m'a demandé étant donné que jamais Alassane Ouattara ne l'aurait choisi comme Premier ministre, ni même comme président d'une institution".
Ensuite Monseigneur Agré : " Ce dernier m'a dit qu'il n'est pas sûr que Alassane Ouattara devenu Président de la République continuera d'accorder entièrement à l'Église catholique ivoirienne la ligne budgétaire qui lui a toujours été consentie chaque année et par conséquent, selon lui, il vaut mieux qu'un chrétien soit Président, mais surtout pas un musulman ". Le Général Guéi poursuit après un petit moment de silence en ajoutant avec insistance que Monseigneur Agré, au lieu de jouer son rôle d'homme de Dieu, d'homme de paix, de sagesse, a participé activement à créer la grave déchirure sociale actuelle que nous vivons. Il termine en disant : "Monseigneur Agré est soi-disant Monseigneur de jour, mais la nuit, il est tout le contraire d'un homme qui veut la paix pour ce pays".
Enfin, Guéi nous a révélé que l'ambassadeur Francis Lott lui a dit ceci : " Il est incontestable que M. Alassane Ouattara est majoritaire sur le terrain et qu'aucun candidat ne pourra lui résister au premier tour. Ce n'est pas non plus une question de nationalité, vous le savez autant que moi. La principale raison de mon opposition à la candidature de M. Ouattara tient au fait que sans lui faire un procès d'intention, je ne suis pas sûr qu'il protégera les intérêts français ici s'il arrivait au pouvoir".
Ce que nous, cadres Yacouba, constatons de façon évidente, c'est que ces trois personnes (Gbagbo, Monseigneur Agré et Francis Lott) se sont copieusement servis de notre frère, le Général Guéi, puis, l'ont hautement trahi à la dernière minute. Francis Lott prenant fait et cause pour Gbagbo, le Général Mathias Doué qui se retourne contre lui pour lui planter un couteau dans le dos au profit de Gbagbo, et enfin, pour boucler la boucle, Monseigneur Agré qui connaît très bien les engagements que Gbagbo, en jurant, a pris envers le Général Guéi, et donc qui devait, pour un vrai homme de Dieu les rappeler à Gbagbo, a, au contraire, demandé au Général Guéi, à la grande surprise de ce dernier, de céder le pouvoir à Gbagbo, en violant ainsi manifestement tous les accords.
Chers compatriotes, c'est le devoir de vérité et la soif d'avoir désormais la conscience tranquille qui nous ont amenés à faire ces révélations inédites, voire troublantes. On sait désormais, chers compatriotes, ceux qui sont réellement à la base des drames qui ont endeuillé notre pays et du chaos économique et social que connaît actuellement notre chère patrie.
Que Dieu protège la Côte d'Ivoire et qu'il en extirpe les démons.
Un collectif de cadres patriotes Yacouba "
Aveux tardifs ou testament, chacun pourra juger en son âme et conscience.
Koné Seydou
mardi 29 septembre 2009
Afrique: Désiré Mandilou « L’échéance pour la monnaie commune africaine, c’est 2012, pas 2021 ! »
Désiré Mandilou est en colère. L’étude de faisabilité de la monnaie unique africaine aurait été confiée à la Banque centrale européenne. Economiste en chef à l’African Advisory Board, auteur du livre L’économie de partage en Afrique, publié à l’Harmattan, il est en colère et entend mobiliser toute l’Afrique contre une telle décision.[...]Les Africains doivent se rappeler que les mêmes pays, hier colonisateurs, ont naguère essayé de ralentir l’émergence de la puissance chinoise. Elles ont échoué parce que le peuple chinois a eu un leadership politique d’une exceptionnelle intelligence
Les Afriques : L’Association des Banques centrales africaines aurait décidé de confier l’étude de faisabilité de la monnaie commune africaine à la Banque centrale européenne. Qu’en est-il exactement ? En tant qu’auteur d’un ouvrage sur le sujet, qu’en pensezvous ?
Désiré Mandilou : Par sens de la mesure, je dirais que cette décision n’honore pas ceux qui l’ont prise. La monnaie est l’une des trois manifestations de la souveraineté d’une nation libre, les deux autres étant la production d’un droit national et l’organisation d’une défense nationale. Ces trois dimensions délimitent le champ de la souveraineté. Toute décision de nature à céder à de tierces puissances une dimension essentielle de la souveraineté, comme la monnaie, relève de la haute trahison. Il n’existe pas dans l’histoire connue de
« Nous sommes appelés à devenir la première puissance économique du monde. Notre émergence économique sera peut-être plus fulgurante que celle de la Chine. »
l’humanité, un pays et, a fortiori, un groupe de pays ayant fait un appel d’offres pour la création de sa monnaie. Il ne s’agit pas de la construction d’un pont ou d’une centrale électrique. Il s’agit de construire une monnaie commune africaine, c’est à dire de donner à toute la production du continent un équivalent général, une langue commune, pour dire la richesse du continent. Avec la monnaie commune africaine, l’Afrique pourra enfin faire ses propres choix de développement, asseoir sa croissance sur la demande africaine, c’est-à-dire sur les immenses besoins non satisfaits à ce jour, par une offre africaine de produits manufacturés et de services à haute valeur ajoutée. L’Afrique vient de dépasser le milliard d’habitants. Selon les prévisionnistes, nous serons près de deux milliards en 2050, c’est-à-dire dans à peine quarante ans. Nous sommes en train de devenir le continent le plus peuplé du monde. Rien qu’à ce titre, nous sommes appelés à devenir la première puissance économique du monde. Notre émergence économique sera peut-être plus fulgurante que celle de la Chine. A condition, évidemment, d’en avoir l’intelligence stratégique. La monnaie commune est une pièce essentielle de cette prise de pouvoir économique par l’Afrique. Il est urgent, vital, que le continent le plus peuplé du monde dans une quarantaine d’année se donne, dès aujourd’hui, une monnaie au service des formidables défis auxquels il doit faire face. La monnaie commune africaine doit voir le jour le 1er janvier 2012 au plus tard. Il ne s’agit plus de spéculation intellectuelle, mais d’une perspective pratique, dont nous connaissons les étapes, dont nous pouvons établir l’agenda.
LA : Cette décision ne risque-t-elle pas de retarder l’échéance ?
DM : Mais la messe n’est pas dite ! Primo, nous attendons encore à ce jour le communiqué officiel de cette association, dont le siège est dans les murs de la BCEAO à Dakar. Suivez mon regard. L’information nous est parvenue à travers un compte rendu effectué par un journaliste congolais. Un économiste africain de renom international, François Ndengwé, dont les travaux sur la monnaie africaine font autorité, a pris contact avec cette association pour obtenir le communiqué officiel de cette réunion, sans suite à ce jour. Si le dispositif francophone de vassalisation du continent croit pouvoir agir dans l’ombre, à l’insu des peuples africains, il se trompe. Nous comptons donner à cette malheureuse décision la visibilité qui s’impose. La rendre nulle et sans effet. Qui donc a mandaté cette association pour engager tout le continent ? Les gouverneurs des Banques centrales du Nigéria, de l’Afrique du Sud, du Kenya, de l’île Maurice, de Libye ou du Ghana, etc. ont-ils véritablement donnés leur quitus à cette décision ? L’ère des accords secrets qui engagent des peuples, sans aucune consultation des sociétés civiles, est révolue.
Secundo, l’Union africaine a réuni en congrès, du 2 au 6 mars 2009 à Nairobi, près de trois cents économistes africains sur la question de la monnaie. Des propositions ont été faites. Jusqu’à ce jour, ni le Bureau du congrès, ni la Commission économique de l’Union africaine n’ont réussi à formaliser une perspective immédiatement opérationnelle. Si la commission économique de l’UA est paralysée par l’enjeu, la difficulté de la tâche, bref, si elle ne sait pas comment faire, nous proposons d’institutionnaliser la synergie entre elle et les compétences africaines disséminés à travers le monde. L’échéance pour la création de la monnaie commune africaine, c’est le 1er janvier 2012, pas 2021 comme le prétend l’Association des Banques centrales africaines.
LA : Qu’est-ce qui pourrait justifier une telle décision ?
DM : Je l’explique par la panique des pays européens, hier colonisateurs, devant l’émergence de la puissance économique de l’Afrique. L’Afrique est la dernière frontière du capitalisme. Les pays déclinants, à populations vieillissantes, à taux de croissances anémiques, de l’ordre de 1 ou 2% quand ce n’est pas la récession –, bref, les pays européens, ont peur de l’inéluctable montée en puissance de l’Afrique. D’où la multiplication des moyens du FMI (de 250 à 750 milliards de dollars). Le FMI sillonne actuellement l’Afrique, toutes vannes de crédit ouvertes, cherchant quels pays ré-endetter pour tout le XXIe siècle, alors que de l’avis de tous, la crise financière internationale n’a que peu touché les pays africains, déconnectés des errements de la finance internationale. D’où les tentatives répétées de freiner le mouvement de l’Afrique par le financement de rebellions ou le recours à l’argument écologique. Aujourd’hui, c’est la prétendue difficulté de créer une monnaie commune africaine. Les Africains doivent se rappeler que les mêmes pays, hier colonisateurs, ont naguère essayé de ralentir l’émergence de la puissance chinoise. Elles ont échoué parce que le peuple chinois a eu un leadership politique d’une exceptionnelle intelligence stratégique, de Mao Tse Toung à Deng Tsiao Ping. Nous avons un urgent besoin de leaders politiques de la dimension de Mandela, pour la libération économique du continent.
LA : Que comptez-vous faire contre cette décision ?
DM : D’abord nous invitons l’Association des Banques centrales africaines à accepter le débat avec l’expertise africaine. Nous allons organiser un forum, à Dakar, sur la monnaie commune africaine. Nous n’avons pas encore réussi à en finaliser le financement, mais nous y parviendrons. Que tous les Africains, tous les décideurs économiques et politiques africains, toutes les institutions panafricaines prennent conscience des enjeux et participent au financement de ce forum.
« Le FMI sillonne actuellement l’Afrique, toutes vannes de crédit ouvertes, cherchant quels pays ré-endetter pour tout le XXIe siècle. »
En attendant, dès que le communiqué officiel de cette Association de Banques centrales africaines sera disponible, nous saisirons le parlement panafricain, qui en toute logique devrait détenir la légitimité d’une telle décision. Si nécessaire, nous saisirons aussi la cour africaine de justice. L’Afrique s’est dotée d’institutions panafricaines, non pour le décorum, mais pour défendre les intérêts du continent. Il est temps qu’elles soient placées devant leurs responsabilités. Evidemment, cela laisse la place à toute autre forme de résistance populaire africaine.
Les Afriques : L’Association des Banques centrales africaines aurait décidé de confier l’étude de faisabilité de la monnaie commune africaine à la Banque centrale européenne. Qu’en est-il exactement ? En tant qu’auteur d’un ouvrage sur le sujet, qu’en pensezvous ?
Désiré Mandilou : Par sens de la mesure, je dirais que cette décision n’honore pas ceux qui l’ont prise. La monnaie est l’une des trois manifestations de la souveraineté d’une nation libre, les deux autres étant la production d’un droit national et l’organisation d’une défense nationale. Ces trois dimensions délimitent le champ de la souveraineté. Toute décision de nature à céder à de tierces puissances une dimension essentielle de la souveraineté, comme la monnaie, relève de la haute trahison. Il n’existe pas dans l’histoire connue de
« Nous sommes appelés à devenir la première puissance économique du monde. Notre émergence économique sera peut-être plus fulgurante que celle de la Chine. »
l’humanité, un pays et, a fortiori, un groupe de pays ayant fait un appel d’offres pour la création de sa monnaie. Il ne s’agit pas de la construction d’un pont ou d’une centrale électrique. Il s’agit de construire une monnaie commune africaine, c’est à dire de donner à toute la production du continent un équivalent général, une langue commune, pour dire la richesse du continent. Avec la monnaie commune africaine, l’Afrique pourra enfin faire ses propres choix de développement, asseoir sa croissance sur la demande africaine, c’est-à-dire sur les immenses besoins non satisfaits à ce jour, par une offre africaine de produits manufacturés et de services à haute valeur ajoutée. L’Afrique vient de dépasser le milliard d’habitants. Selon les prévisionnistes, nous serons près de deux milliards en 2050, c’est-à-dire dans à peine quarante ans. Nous sommes en train de devenir le continent le plus peuplé du monde. Rien qu’à ce titre, nous sommes appelés à devenir la première puissance économique du monde. Notre émergence économique sera peut-être plus fulgurante que celle de la Chine. A condition, évidemment, d’en avoir l’intelligence stratégique. La monnaie commune est une pièce essentielle de cette prise de pouvoir économique par l’Afrique. Il est urgent, vital, que le continent le plus peuplé du monde dans une quarantaine d’année se donne, dès aujourd’hui, une monnaie au service des formidables défis auxquels il doit faire face. La monnaie commune africaine doit voir le jour le 1er janvier 2012 au plus tard. Il ne s’agit plus de spéculation intellectuelle, mais d’une perspective pratique, dont nous connaissons les étapes, dont nous pouvons établir l’agenda.
LA : Cette décision ne risque-t-elle pas de retarder l’échéance ?
DM : Mais la messe n’est pas dite ! Primo, nous attendons encore à ce jour le communiqué officiel de cette association, dont le siège est dans les murs de la BCEAO à Dakar. Suivez mon regard. L’information nous est parvenue à travers un compte rendu effectué par un journaliste congolais. Un économiste africain de renom international, François Ndengwé, dont les travaux sur la monnaie africaine font autorité, a pris contact avec cette association pour obtenir le communiqué officiel de cette réunion, sans suite à ce jour. Si le dispositif francophone de vassalisation du continent croit pouvoir agir dans l’ombre, à l’insu des peuples africains, il se trompe. Nous comptons donner à cette malheureuse décision la visibilité qui s’impose. La rendre nulle et sans effet. Qui donc a mandaté cette association pour engager tout le continent ? Les gouverneurs des Banques centrales du Nigéria, de l’Afrique du Sud, du Kenya, de l’île Maurice, de Libye ou du Ghana, etc. ont-ils véritablement donnés leur quitus à cette décision ? L’ère des accords secrets qui engagent des peuples, sans aucune consultation des sociétés civiles, est révolue.
Secundo, l’Union africaine a réuni en congrès, du 2 au 6 mars 2009 à Nairobi, près de trois cents économistes africains sur la question de la monnaie. Des propositions ont été faites. Jusqu’à ce jour, ni le Bureau du congrès, ni la Commission économique de l’Union africaine n’ont réussi à formaliser une perspective immédiatement opérationnelle. Si la commission économique de l’UA est paralysée par l’enjeu, la difficulté de la tâche, bref, si elle ne sait pas comment faire, nous proposons d’institutionnaliser la synergie entre elle et les compétences africaines disséminés à travers le monde. L’échéance pour la création de la monnaie commune africaine, c’est le 1er janvier 2012, pas 2021 comme le prétend l’Association des Banques centrales africaines.
LA : Qu’est-ce qui pourrait justifier une telle décision ?
DM : Je l’explique par la panique des pays européens, hier colonisateurs, devant l’émergence de la puissance économique de l’Afrique. L’Afrique est la dernière frontière du capitalisme. Les pays déclinants, à populations vieillissantes, à taux de croissances anémiques, de l’ordre de 1 ou 2% quand ce n’est pas la récession –, bref, les pays européens, ont peur de l’inéluctable montée en puissance de l’Afrique. D’où la multiplication des moyens du FMI (de 250 à 750 milliards de dollars). Le FMI sillonne actuellement l’Afrique, toutes vannes de crédit ouvertes, cherchant quels pays ré-endetter pour tout le XXIe siècle, alors que de l’avis de tous, la crise financière internationale n’a que peu touché les pays africains, déconnectés des errements de la finance internationale. D’où les tentatives répétées de freiner le mouvement de l’Afrique par le financement de rebellions ou le recours à l’argument écologique. Aujourd’hui, c’est la prétendue difficulté de créer une monnaie commune africaine. Les Africains doivent se rappeler que les mêmes pays, hier colonisateurs, ont naguère essayé de ralentir l’émergence de la puissance chinoise. Elles ont échoué parce que le peuple chinois a eu un leadership politique d’une exceptionnelle intelligence stratégique, de Mao Tse Toung à Deng Tsiao Ping. Nous avons un urgent besoin de leaders politiques de la dimension de Mandela, pour la libération économique du continent.
LA : Que comptez-vous faire contre cette décision ?
DM : D’abord nous invitons l’Association des Banques centrales africaines à accepter le débat avec l’expertise africaine. Nous allons organiser un forum, à Dakar, sur la monnaie commune africaine. Nous n’avons pas encore réussi à en finaliser le financement, mais nous y parviendrons. Que tous les Africains, tous les décideurs économiques et politiques africains, toutes les institutions panafricaines prennent conscience des enjeux et participent au financement de ce forum.
« Le FMI sillonne actuellement l’Afrique, toutes vannes de crédit ouvertes, cherchant quels pays ré-endetter pour tout le XXIe siècle. »
En attendant, dès que le communiqué officiel de cette Association de Banques centrales africaines sera disponible, nous saisirons le parlement panafricain, qui en toute logique devrait détenir la légitimité d’une telle décision. Si nécessaire, nous saisirons aussi la cour africaine de justice. L’Afrique s’est dotée d’institutions panafricaines, non pour le décorum, mais pour défendre les intérêts du continent. Il est temps qu’elles soient placées devant leurs responsabilités. Evidemment, cela laisse la place à toute autre forme de résistance populaire africaine.
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