Publié le jeudi 16 mai 2013
Nous entamons un trimestre de toutes les incertitudes. Mai, juin et juillet pourrait nous réserver des surprises. Qu’en sera-t-il de l’état de santé du président ? Que vont faire Roch et compagnie ? Toutes les options sont sur la table.
A la journée du paysan à Banfora, le 26 avril dernier, les burkinabè ont vu leur président dans un état physique qui ne les a pas du tout rassuré. Ce qui les a le plus frappé c’est ce cou effilé qui donnait l’impression de rompre sous le poids de cette tête qu’il n’arrivait plus visiblement à supporter. Cette image de leur président a beaucoup ému et peiné nombre de burkinabè. Il y a peu, pour ne pas dire pas du tout de communication, autour de la santé du président. Les burkinabè se bornent donc à observer ses apparitions publiques et à jauger son état physique qui,à vue d’œil, n’est plus celui du fringant capitaine du début de la décennie. Pourtant Blaise Compaoré, né en 1951, a fêté en février dernier ses 62 ans, l’âge auquel certains ailleurs, briguent la magistrature suprême. Sauf que notre président a derrière lui, près d’une trentaine d’années d’exercice à un haut niveau du pouvoir d’Etat. Les burkinabè qui n’ont pas le moyen de s’informer sur la santé du président sont donc réduits à faire des commentaires sur son état physique.
ça bruisse autour du président !
C’est vrai que le président et son entourage font un effort inouï pour prouver que le physique du président qui parait de plus en plus fatigué, ne l’empêche pas de s’acquitter de son devoir de président. Il continue d’accorder des audiences, de présider les conseils des ministres (même s’ils sont de plus en plus réduits), de voyager et de participer aux sommets avec ses pairs de la sous région. La dernière rencontre de cette nature a eu lieu à Yamoussoukro et n’a pas été annoncée par la TNB qui ne semble pas avoir été conviée. C’est notre confrère Lefaso.net qui a eu la primeur de l’info sous la plume du directeur de la communication de la présidence. Tout ça évidemment ne signifie pas grand-chose, sauf que c’est inhabituel.
Les efforts qui se déploient autour du président pour ne rien laisser paraître d’une éventuelle défaillance, n’empêchent pas les bruits de courir.
Le 25 avril au soir, le président en route pour Banfora, pour la journée du paysan passe la nuit à son pied à terre de Bobo Dioulasso. Vers 22 heures, c’est apparemment la panique. Le président « est tombé » laissent entendre les coups de fil qui proviennent de la résidence. Est-ce une crise vagale ? Peut-être. Sauf qu’apparemment c’était pas la première fois que cela arrivait au président. A la foire agricole et pastorale de Yako aussi, en mi avril, après des efforts plus que de raison, pour quelqu’un qui revenait d’un check-up en France, seulement quelques jours auparavant, le président avait dit-on été pris d’un malaise semblable. De retour, le président a dû refaire le chemin retour en France, accompagné de son frère cadet, à bord de l’avion d’un opérateur économique ami. Certains plus rassurants disent que le président avait un rendez vous médical déjà prévu.
Comme Pompidou, en 1972 que les français regardaient se faire ronger par la maladie, les burkinabè semblent réduits au même spectacle. Il est difficile de continuer à soutenir qu’il n’y a rien à voir « circuler ». Les questions sont nombreuses et pressantes : De quoi souffre le président ? Est-ce invalidant à terme ? Est-ce que les rumeurs qui disent qu’il est condamné à court terme sont exactes ? La présidence n’aura d’autre choix que de parler. De respecter les burkinabè.
Autour du président tout se délite
Les confidences du président lui-même, montrent qu’il a conscience que tout se délite autour de lui. Il ne semble pourtant pas avoir fait le deuil de promouvoir son jeune frère dans les rangs de ses successeurs éventuels. Il semble pour l’heure dans une stratégie de colmatage. Il a relancé les contacts avec ses anciens inconditionnels. Le palais de Kosyam est donc le lieu actuellement, d’un vrai chassé croisé pour voir comment redresser le cours des choses. Le président aurait dit-on laissé entrevoir une idée d’un congrès extraordinaire « de reprise en main » d’un CDP, qui aurait, comme certains propos l’on laissé entrevoir à la dernière réunion du BPN « de gros diables » à exorciser. Ce à quoi aurait répondu le secrétaire général Assimi Kouanda : « le diable est dans la maison depuis longtemps. Ce n’est pas nous qui l’y avons fait entrer ».
Celui qui n’est pas quiet par cette tournure des choses c’est bien sûr François Compaoré. L’effervescence a donc gagné son camp et ses amis ont commencé à resserrer les rangs.
Si le président fait des clins d’œil à ses anciens obligés, les propositions qu’il met sur la table ne semblent pas convaincre. Certains pensent que les propositions sont en deçà de la gravité de la situation du pays. La situation est nécrosée. L’entourage du président est dans une logique jusqu’au bouliste et ce n’est pas l’entêtement à consacrer Alizeta Gando (le CSC voudrait interdire de l’appeler ainsi désormais), comme président de la Chambre du commerce et d’industrie du Burkina qui va arranger les choses.
On réentend parler du parti de Roch
Les réunions ont repris et plusieurs noms d’un probable futur parti politique des dissidents du CDP sont avancés. De nouveaux délais sont aussi annoncés ; probablement en juin prochain. Ce parti des dissidents devraient, comme on l’avait entendu en 2012 regrouper autour de Roch Marc Christian Kaboré, l’essentiel des membres des « conseillers » du CDP. A ce qu’on dit, les textes sont prêts. Même si ce n’est pas la première fois que pareille occurrence circule. Les services informent le président sur ces réunions qui se tiennent et qui sont sûrement infiltrées. En retour aussi quelques pare-feux sont allumés, pour semer le doute dans le camp des dissidents, comme cette rumeur insistante qui indique que Roch Marc Christian Kaboré a accepté un poste d’ambassadeur à Copenhague.
N’empêche, le président semble évaluer la gravité de la situation. Récemment, il a rencontré séparément Salif Diallo et Roch Marc Christian Kaboré. Il n’aurait pas fait des propositions révolutionnaires, mais au regard de la gravité de la situation, il pourrait abattre sa carte « joker ». Il s’agirait finalement de revenir aux propositions d’un certain Salif Diallo récemment réaffirmées par Juliette Bonkoungou dans son interview à notre confrère L’Observateur Paalga. Remettre tout à plat, engager l’ensemble des acteurs dans des discussions inclusives pour une vraie refondation de la démocratie et du régime.
Il devrait aussi et c’est le fait nouveau qui est rapporté : « organiser et annoncer au courant de l’année en cours sa sortie de scène ». A ce niveau, le propos reste vague. D’aucuns disent que la proposition viendrait de lui et d’autres soutiennent que certaines personnes consultées le lui ont suggéré et comme d’habitude, il n’aurait pas répondu. Ou en tout cas, pas avec conviction.
Sauf que très peu de personnes croient vraiment à cette éventualité. Les Roch iront-ils jusqu’au divorce avec Blaise Compaoré ? Les rumeurs ont repris. En face, on suit tout ça de près. Pour bien les « mélanger » comme on dit prosaïquement chez nous, des ballons d’intox sont lâchés, comme cette nomination annoncée de Roch comme ambassadeur à Copenhague. Les amis du « gros » démentent fermement, soutenant qu’il a décliné toutes les propositions de nomination qu’on lui a faites depuis qu’il a quitté la présidence de l’assemblée nationale. Mais il en faut plus pour rassurer. Dans ce monde « d’opports », la confiance est la chose la moins bien partagée.
Newton Ahmed BARRY