Au lendemain du 22 mars, quelques esprits chagrins ont soutenu que ce coup d’Etat était inutile parce que, de toutes les manières, ATT s’apprêtait à déguerpir de Koulouba le 08 juin. Inutile ou pas, il a eu des conséquences, dont la mise en quarantaine du pays par la communauté internationale et la fermeture du robinet. Depuis lundi, le Mali vit sous embargo parce que le capitaine Blaise n’a pas voulu de l’ordre constitutionnel proposé par le capitaine Sanogo, comme pour lui dire que tous les capitaines ne se valent pas.
Une autre conséquence du putsch est qu’il a donné un énergique coup de fouet à la classe politique. Il a été l’occasion pour les partis, mouvements et associations politiques de se regrouper, chacun selon ses propres intérêts qu’il croit également être les intérêts du peuple malien. A préciser que dans aucune de ces formations, la direction n’a jugé utile de consulter ses bases, pour celles qui en ont, pour décider de soutenir, condamner ou accompagner. Les militants à la base ne comptent plus puisque les élections ne sont pour sitôt. Il faut, comme d’habitude, décider à leur place. Aussi, on a eu droit, pour rompre la disette informationnelle, aux soutiens fermes ou relatifs, aux condamnations fermes ou relatives, et même à l’hypocrisie conjoncturelle.
Par rapport aux événements du 22 mars, il y a eu en effet différentes attitudes.
Certains, comme les membres du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République, ont condamné fermement et demandé le départ de la junte et le rétablissement du pouvoir constitutionnel et institutionnel. Ils estiment être prêts à en découdre avec les urnes et chacun d’eux espère remporter la présidentielle. En attendant, ils veulent que l’un des leurs, intérimaire constitutionnel, prenne les rênes de l’Etat et forme un gouvernement d’union nationale, genre gestion consensuelle du pouvoir si chère à ATT.
D’autres, comme le Mouvement populaire du 22 mars, soutiennent fermement et demandent le maintien des putschistes parce que grâce au capitaine Sanogo ils espèrent avoir à jouer les premiers rôles et à occuper des postes dont ils n’auraient jamais rêvés avec des élections tenues dans la plus grande transparence. Certains se sont même proposé pour être le Premier ministre de la transition.
Il y a aussi les autres qui, eux, sont beaucoup moins catégoriques.
Les uns condamnent mais…Mais quoi ? Ils condamnent mais ils sont prêts à accompagner ces jeunes et ingénus pour que ceux-ci ne brisent pas le plat dans lequel ils ont mis imprudemment le pied ou pour qu’ils ne se brûlent pas avec la patate chaude du peuple. Un chef de parti, ancien ministre de Moussa Traoré, porte-parole d’un prétendu regroupement de plusieurs formations politiques, est de ces politiques qui condamnent mais qui sont prêts à servir.
Les autres soutiennent mais…Mais quoi ? Ils soutiennent parce qu’ils en avaient marre du pouvoir d’ATT, responsable selon eux de la cherté de la vie, de la contre performance de l’école, de la mauvaise gouvernance, de la corruption, de la délinquance financière et de toutes les plaies d’Israël. Toutefois, ils ne seraient pas prêts à tout cautionner et à tout accepter de qui que ce soit. Aussi si les putschistes font comme ATT, ils trouveront le peuple malien sur leur chemin.
Il y a enfin ceux, qu’on ne nommera pas, que personne ne semble comprendre. Hypocrisie ou démagogie, ils condamnent par principe. Autrement dit, ce n’est pas par conviction qu’ils ne veulent pas d’un putsch, mais c’est pour se faire entendre et se faire connaitre sur une scène politique débordée.
En entendant, le capitaine Sanogo et ses hommes écoutent les uns et les autres et font un rapide apprentissage de l’exercice du pouvoir, s’inspirent de leurs propos et prises de position pour improviser, tiennent tête à la communauté internationale, se soucient peu de l’intérêt du peuple soumis à un embargo. Et les nouveaux maitres, qui il y a peu peinent à acquérir une motocyclette «Djakarta», se pavanent dans des Toyota V8 et gouvernent par dilatoire.
Cheick Tandina
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