lundi 25 mars 2013

Ces deux erreurs qui risquent de complexifier la réélection du président Ouattara en 2015 !


Libre opinion par Diarra Cheickh Oumar
Ces deux erreurs qui risquent de complexifier la réélection du président Ouattara en 2015 !
On me concèdera que diriger un parti politique, n’est pas une sinécure. Mais, conduire les destinées d’une nation, relève de la gageure, apparentable dans certains cas à la quadrature du cercle. C’est pourquoi, comme l’ont enseigné nombre de penseurs, spécialistes des sciences politiques, il est important pour un chef d’État, de savoir s’entourer, de créer autour de lui un environnement sain et aseptisé par une sélection judicieuse et rigoureuse d’éminences grises, de collaborateurs capables de prodiguer des conseils estampillés du sceau de la sagesse, de la pondération ; mais surtout, à même, avec courage et responsabilité, de s’inscrire en faux contre certaines de ses décisions irraisonnées et infondées, même si cela devrait leur coûter leurs postes et les privilèges y afférents. En Occident, cela fait partie de la banalité quotidienne, car ancré dans les mœurs, dans les cultures. Il n’est pas rare de voir un conseiller ou un ministre de la République s’opposer avec fracas et cliquetis, de façon argumentée et convaincante, aux choix et errements du tenant du sceptre sans encourir la moindre foudre. Développer de telles attitudes positives au sommet de l’État, revitalise la nation et lui permet d’arpenter, sans coup férir, les déclivités rocailleuses du développement, du progrès. L’ex ministre français chargé des Droits de l’Homme sous le régime Sarkozy, Rama Yade, nous l’a démontré avec brio et élégance. On lui a reproché à plusieurs reprises son manque de solidarité gouvernementale lors de prises de position contraires à celles de l’UMP. Ainsi, le 6 septembre 2007, sa visite de soutien à des squatteurs dont l’évacuation a été décidée par la justice sur demande de la mairie communiste d’Aubervilliers, lui a valu d’être convoquée le soir même par le Premier ministre. De même, le 10 décembre 2007, elle s’en prend avec virulence à la visite officielle du colonel Kadhafi en France, déclarant qu’il doit « comprendre que notre pays n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort », après avoir, quelques mois plus tôt, avoué que « certains gestes donnent envie de se laver les mains » pour avoir serré la main du dirigeant libyen à Tripoli, dans le cadre de la médiation relative à l’affaire des infirmières bulgares. Oui à la solidarité gouvernementale, idéologique, culturelle ou même religieuse. Cependant, cela ne doit pas inhiber l’expression du bon sens, de la pensée pensante qui nous démarque des animaux et nous sort de la platitude horizontale pour nous faire profiter et jouir de l’univers extatique de la verticalité.
Mais, sous nos tropiques, l’hypocrisie, le mensonge, faire l’âne pour paître le foin est la chose la mieux partagée. Dans l’inconscient collectif de cet univers de courtisans, de pseudo conseillers, de ministres et tutti quanti, le lien qui arrime aux postes de nomination et de responsabilité, aux honneurs, au lucre est tellement fort, qu’on pense que toutes les adresses et communications à l’endroit du magistrat suprême doivent être exclusivement bâties sur des litanies de dithyrambes, sur un récurrent apologisme creux et diarrhéique le plus souvent loin d’être corroborés par l’expérience. Ainsi, on s’interdit avec une radicalité jamais vue de mémoire d’homme, de dire au chef qu’il s’est trompé quand bien même celui-ci reconnaît non seulement devant l’intime miroir de sa conscience, voire coram populo, s’être fourvoyé. Tout semble se passer comme si on perdait fatalement sa qualité d’homme, ayant une profession, lorsqu’on est débarqué de ces postes de responsabilité, qui plus est, sont loin d’être en congruence avec la valeur intrinsèque de l’individu, mais des offrandes en guise d’émolument à un militantisme passionné, endiablé. Pauvre Afrique ! Quand comprendrons-nous enfin que ces prestations négatives, ces comportements éhontés et couards ne nous libéreront jamais des rets et affres du sous-développement ! C’est tout de même irrationnel, paradoxal de prétendre être acquis à la cause de quelqu’un, souhaiter par voie de conséquence qu’il connaisse un succès éclatant dans sa mission et dans le même temps contribuer à travers ses faits et gestes fortement colorés de félonie et de papelardise, à son échec, sa chute. Alors qu’une petite dose de sincérité, de réalisme suffirait à le mettre à l’abri de certaines erreurs évitables, quelquefois aux contrecoups impondérables.
Une gestion familiale et partisane
C’est connu. L’accession de Monsieur Ouattara à la magistrature suprême s’est faite dans une douleur indescriptible. Des milliers de personnes ont été lâchement assassinées, pour certaines, étrangères au monde nauséeux de la politique ; sans omettre les tortures, les supplices çà et là infligés à des gens n’affichant comme seule intention que de faire reconnaître leurs droits les plus imprescriptibles : la liberté de parole, d’association, d’appartenance religieuse et à la formation politique de son choix… Pis, des familles entières ont été décimées lors de la conquête de ce pouvoir que certains, couardement blottis sous leurs lits lorsque les bombes pleuvaient et les mitraillettes crépitaient, s’octroient aujourd’hui, toute honte bue, égocentriquement la paternité. Lorsqu’un pouvoir a été acquis de cette façon, sans prétendre détenir la science infuse, je crois en toute humilité que la priorité dans un tel cas de figure, n’est pas de confier la gestion des finances de la présidence à son frère puîné pour ensuite l’élever au rang de ministre ou de nommer sa nièce comme conseillère spéciale chargée de la communication de la Présidence de la République, bref, de faire la part belle à ses parents. Moralement, cela est difficilement défendable et jusque-là, malgré les efforts que je fais, cette bourde que certains illuminés considèrent comme un haut fait d’armes, ne cesse de heurter ma conscience morale. En son temps, j’avais fait une adresse au chef de l’État où j’avais émis le vœu de voir cette faute corrigée rapidement pour rabattre le caquet aux détracteurs. Monsieur le Président a eu l’occasion de rattraper cette erreur lors de la formation du dernier gouvernement, mais il ne l’a pas fait malgré les interpellations du chanteur de reggae, Tiken Jah Facoly, qui a renchéri dans le même sens. L’argument qu’on ne cesse de nous brandir, est celui de la compétence, du savoir-faire. Toutefois, la question ne se pose pas ici en ces termes ; elle est plutôt d’ordre axiologique. Qu’on s’inspire de l’exemple du père de cette nation ivoirienne, feu le Président Houphouët-Boigny qui n’a ménagé aucun effort de son vivant, pour faire de notre cher pays, une référence dans la sous-région et même, dans un certain sens, au plan mondial. Nous étions à l’époque du parti unique. Malgré les pouvoirs impartagés qu’il avait, le Président Houphouët-Boigny, n’avait jamais fait la promotion de sa famille, de ses rejetons. Je dirai même qu’il a sacrifié sa famille pour l’émergence de celles de ceux qu’on pourrait appeler ses compagnons de lutte, de leurs enfants. Feu le ministre Gilles Vally Laubouet, fils de feu Marcel Laubouet, ami et compagnon du Président Houphouët-Boigny, qui a été militant du RDR, est une parfaite illustration de cette vérité que je m’emploie à émettre. Il y en a eu bien d’autres. Durant ses trente-trois années de gouvernance, jamais nous n’avons vu le Président Houphouët-Boigny nommer un de ses rejetons, de ses frères ou de ses neveux à un poste de Directeur général, de conseiller, a fortiori de ministre de la République. Il est certes vrai que certains hauts responsables occupant des postes de Directeur général ou même de ministre sous Houphouët-Boigny sollicitaient quelquefois les interventions pacificatrices de Mamie Fêtaih ou de Mamie Djénéba quand ils se rendaient coupables de certains faits répréhensibles. Mais, sans plus ! Pour moi, c’est la première bourde pyramidale qui a été commise et qu’on s’emploie à perpétuer sans souci de rectification.

Une politique sociale désastreuse
La seconde grossière erreur faite et qui risque de complexifier la réélection de notre cher Président en 2015, est cette politique sociale désastreuse qui est en train d’être conduite sans égard pour les fonctionnaires en général et les couches sociales les plus défavorisées. C’est un truisme. Nous assistons tous, jambes et mains liées, à une flambée généralisée et incontrôlée des prix des denrées alimentaires et des produits de première nécessité sur le marché. Comme si cela ne suffisait pas, l’eau, le courant, le gaz, l’essence… ont connu le même sort. Sans compter les montants prohibitifs imposés aux étudiants, en majorité, issus de familles pauvres, pour avoir droit aux cours dispensés dans nos universités. Beaucoup ont dû raccrocher, faute de moyens. Le nombre d’étudiants régulièrement inscrits à ce jour dans les différents services de la scolarité en témoigne avec éloquence. Qui plus est, c’est la dernière trouvaille, il est demandé aux fonctionnaires en thèse, a contrario de la décision prise par le gouvernement réduisant exceptionnellement de 70% les frais d’inscription pour cette année, de débourser la faramineuse somme de 400.000 F. CFA. Alors que pendant ce temps, on s’enferme dans un refus têtu de faire droit aux acquis syndicaux des travailleurs en général et des enseignants plus particulièrement. Les grèves, qui sont, en pareille circonstance, des moyens légaux de revendication, sont réprimées via des radiations et des ponctions sur les émoluments mensuels. A César, ce qui est à César et à Dieu, ce qui est à Dieu ! Je fais partie des critiques les plus virulents de Monsieur Laurent Gbagbo et de son régime. Mais, c’est sous lui, que la mesure inique du raccrochage a pris fin, du moins pécuniairement après que le décret ait été signé par feu le Général Guéi. Mieux, suite à la revalorisation salariale dans le secteur éducation-formation, c’est personnellement la somme de 100.000 F. CFA que j’ai obtenue dont la moitié est payée depuis près de trois ans alors que l’économie ivoirienne n’était pas du tout au mieux de sa forme. Maintenant que tout va bien, nous dit-on, pourquoi tant de supplices, de misères ? Le pays, il est vrai, est en chantier et cela, est à saluer. Ces ponts, ces infrastructures, ces bâtisses qui sont en train d’être réalisés n’ont de sens que relativement à des vivants humains. Mais, pour qu’il y ait des vivants humains, il faut que le minimum vital soit assuré. Or, aujourd’hui, avoir ne serait-ce que de l’eau, relève du parcours du combattant. A Bondoukou où j’exerce, des quartiers entiers sont privés d’eau depuis plusieurs semaines. Pour les secteurs les plus avantagés, il faut veiller pour espérer obtenir quelques litres d’eau. Pour ce qui concerne le courant, il faut compter cinq à six interruptions par jour. Abidjan, la capitale économique et administrative, nous dit-on, n’est pas épargnée. Cette kyrielle de difficultés de tous genres et tous azimuts ont réellement impacté négativement la conscience collective. Comme à l’accoutumée, des experts en contre-vérité s’ingénient à travestir les faits, à produire des rapports manipulés pour faire plaisir au tenant du sceptre. Nous sommes dans le peuple et avec le peuple. Je peux à ce sujet dire au chef de l’État que le découragement au sein de ses militants va sans cesse grandissant. Des cris de détresse, des jérémiades souventes fois ponctués de paroles imprécatoires fusent de partout. Oui aux vastes travaux de réhabilitation et de reconstruction, mais, il convient de donner le primat au plus urgent de manière à maintenir la flamme avec la base, à la fidéliser davantage. Qu’on permette, à travers des reformes intelligentes, aux populations d’avoir accès, à coût réduit, à la nourriture, à l’eau, au courant, au gaz, au carburant. L’économie a certes ses règles, toutefois, un peu d’humanisme ne ferait que redonner de l’espoir à des familles aujourd’hui réduites à la dernière extrémité. C’est pourquoi, je salue les décisions prises lors du dernier conseil des ministres visant à bâtir des châteaux d’eau à Abobo et à Yopougon pour endiguer définitivement le problème de la pénurie d’eau dans ces secteurs clés d’Abidjan. Mais, il n’y a pas qu’Abobo et Yopougon. A l’intérieur du pays, le problème est plus criant. Il faut éviter de se montrer imperméable aux interpellations des militants. Sans remise en cause, il n’y a pas de progrès. Peut-être que cette attitude quelque peu arrogante, peu portée à prendre à bras le corps les préoccupations des populations puise son fondement de la confiance aveugle investie dans l’alliance avec le PDCI qui assurerait une réélection sans coup férir au Président Ouattara en 2015. Toutefois, cela n’est que niaiserie ! Cette alliance ne tient qu’à un fil aujourd’hui. Tous le savent et le PDCI aura son candidat en 2015, avec le Président Bédié ou sans lui. Peut-être que nous allons vers une atomisation du PDCI parce qu’il y a déjà des velléités dans ce sens. Le Secrétaire général du FPI, Monsieur Miaka Ouretto, disait la semaine dernière dans la presse qu’il ne cesse de recevoir des appels de barons du PDCI souhaitant une éventuelle alliance entre les deux partis. Or, il faut s’acclimater avec cette vérité, aussi amère soit-elle ! Pour rien au monde, les militants du FPI, n’accorderont leurs suffrages au Président Ouattara. Ils ont assez démontré leur haine viscérale, incoercible pour lui. Donc, en l’état actuel des choses, fonder son espoir sur une hypothétique collaboration entre le PDCI et le RDR en 2015, dans l’espoir de conserver le diadème n’est qu’une fâcheuse aberration. Mieux vaut travailler à maintenir dans la maison ses militants, et pourquoi pas, à en accroître le nombre en débauchant les militants d’autres partis, en corrigeant les failles du programme de gouvernement déjà en branle tout en matérialisant les promesses faites.
Ponctions sur salaires
Aussi, faudra-t-il traiter avec un peu plus d’égard et de considération les enseignants dans la mesure où c’est à 70% grâce à eux que Monsieur Ouattara est aujourd’hui au pouvoir. Ce sont eux, qui se sont déplacés, dans les villages et hameaux les plus reculés, bravant les intempéries, pour assurer la formation des militants, sans omettre les morsures de reptiles et les coups de dards acérés des moustiques qu’ils ont dû subir. C’est encore eux, qui étaient dans les bureaux de vote pour surveiller la régularité des votes et ainsi, éviter les fraudes. On conviendra avec moi que ce n’est pas un travail d’analphabètes, mais bien de gens lettrés et cultivés. Ces mesures d’intimidation et de flagellation arrêtées contre les enseignants visant le contrôle de leurs soldes et leurs licenciements sont d’un autre âge et sont indignes d’un régime qui se veut démocratique. Il n’est pas encore tard. Les virements ne sont pas encore effectifs. Par conséquent, les salaires ponctionnés peuvent encore être rétablis dans leur intégralité. Parce que, cette mesure inique digne de régimes staliniens et trotskistes, si elle est appliquée, hypothéquerait le reste des cours à dispenser alors que l’année scolaire est presqu’à son terme. Si cette décision est le résultat d’une poussée colérique, alors il faut très vite se raviser. La colère demeurera à jamais une mauvaise conseillère. J’espère que la sagesse prévaudra. Que Dieu nous garde !
Diarra Cheickh Oumar
E-mail : diarraskououmar@yahoo.fr

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