LE DÉVELOPPEMENT DE LA MAL GOUVERNANCE
SOUS LE PRÉSIDENT OUATTARA
Texte proposé par Dr PRAO Yao
Séraphin, délégué national au système monétaire et financier à LIDER
Comme l’écrit Jean Stengers : «
saisir la nature de l’action d’un homme du passé, comprendre les réactions
qu’elle a suscitées, exige qu’on la replace dans la morale du temps. Cette
exigence est surtout indispensable lorsqu’on se trouve dans un domaine où les
règles et les conceptions, depuis, ont évolué, et sont aujourd’hui sensiblement
différentes de ce qu’elles étaient jadis ».
Mais ici, l’homme au centre de notre
réflexion est le Président actuel de la Côte d’Ivoire et le sujet débattu est
la bonne gouvernance.
Sur ce terrain, quelques précisions
préalables sont nécessaires. En parlant de gouvernance, terme dont nous
n’ignorons pas qu’il a depuis quelques temps mauvaise presse dans certains
milieux mais que nous jugeons incontournable au regard des exigences de l’Etat
de droit.
La bonne gouvernance se définit
comme la manière dont les autorités en exercice gèrent les ressources
économiques et sociales d'un pays, d’une communauté ou d’une institution en
faveur de son développement, à travers un ensemble de principes :
- le respect du droit et des droits humains,
- la transparence et l’efficacité de la gestion des
affaires,
- la lutte contre la corruption,
- la promotion de la démocratie et le développement
participatif et durable.
La notion de
bonne gouvernance ouvre aussi les débats sur la définition de la démocratie et
sur ses variantes d’origine culturelle. Par ailleurs, sa conception peut varier
selon la fonction qu’on lui attribue : elle peut être considérée comme un
préalable à un développement juste et harmonieux ou bien une conséquence des
politiques et actions de développement.
« La bonne
gouvernance est le but prioritaire, supérieur à toutes mesures individuelles,
d’une politique de développement motivée par l’éthique »[i]
Avant d’aller plus loin, une autre
précision s’impose : il s’agit de clarifier la notion d’ « Etat
de droit ». Cette expression a tant
fait fortune dans la littérature politologique.
A la suite de Léon Duguit, dans la première moitié du 20e
siècle, l’Etat de droit revêt une double connotation précise.
Premièrement, elle exprime les
relations sociales fondées et régulées par le droit. Autrement dit, elle
renvoie évidemment à l’égalitarisme.
Deuxièmement, elle tend à mettre fin
à l’arbitraire , c’est-à-dire aux actes posés par les gouvernants qui méconnaissent
les exigences du droit.
Ainsi donc, le droit massivement
présent dans la société en devient évidemment le lieu géométrique de tous les
rapports.
Avec toutes ces précisions, il est
évidemment nécessaire de se livrer à une critique attentive des déviances du
pouvoir actuel en Côte d’Ivoire. Il
s’agit pour nous de donner la parole aux actions posées et elles nous livreront
les secrets jamais cachés d’une gouvernance en souffrance.
Il s’agit dans notre démarche de
faire défiler le film de la gouvernance du Président OUATTARA aux fins que
chaque image porte témoignage sur sa gouvernance.
Notre réflexion s’articule autour de
quatre axes : la moralisation de la
vie politique, la démocratie, les droits humains et la sécurité.
1. La moralisation
de la vie politique en berne
Alors candidat, le Docteur Alassane
OUATTARA a enfourché la moralisation de la vie politique comme son cheval de
bataille. Une fois au pouvoir, le Président Alassane OUATTARA a oublié ses
beaux discours au profit du clientélisme, du népotisme, du clanisme et du
tribalisme. Examinons ensemble certains points.
Concernant la gestion des biens
publics, l’échec est cuisant. C’est la pagaille dans la gestion des véhicules
administratifs. Les voitures de l’Etat circulent, de plus en
plus, les week-ends et les jours fériés. Cela devient presqu’une pratique
courante, comme si la législation en la matière n’existait pas. Pour les
véhicules de service, la loi stipule, en son article 8 alinéa 3 que : « ils
sont réservés aux déplacements d’intérêt général et strictement administratif.
Ils ne peuvent être attribués à l’usage exclusif et permanent d’agents
déterminés ». En son article 9, la même loi précise que « en dehors des jours
et heures de services, un véhicule ne peut circuler que s’il est muni d’une
autorisation spéciale de circuler ou d’un ordre de mission ». Pourquoi donc
certains agents de l’Etat utilisent leurs véhicules au-delà de 16 h 30
minutes ? La réponse est
simple : sous le Président OUATTARA, on confond biens publics et biens
privés. Et pourtant, une meilleure
gestion du parc automobile de l’Etat participe à la réduction du train de vie
bénéfique aux caisses de l’Etat. Le Président OUATTARA a oublié cette
promesse : « … nous engagerons très rapidement un examen général de
la situation des finances publiques. Dans un délai maximal d`un an, nous
restructurerons la dette intérieure de l’Etat, de manière à ce qu`elle ne pèse
plus en aucune façon sur les opérateurs économiques, dont la vocation n’est
bien évidemment pas de prêter de l`argent à l’Etat. Avec la confiance restaurée
des opérateurs économiques, la croissance reprendra… ».
Au
sujet des scandales de ses ministres, les exemples sont légions. Selon l’hebdomadaire
Jeune Afrique , citant un rapport d`enquête de la police économique et financière
ivoirienne, Adama Bictogo fait partie des trois personnalités ivoiriennes soupçonnées
d’avoir détourné une partie des indemnités qui auraient dû être payées aux
victimes de la pollution causée par le déversement de déchets toxiques à
Abidjan, en août 2006. Il aurait détourner la somme 4,65 milliards de franc CFA
sur le montant devant revenir aux victimes des déchets toxiques.
Sous
les coups de boutoir que lui assène l’opinion publique, le Président OUATTARA
est obligé de limoger son ministre de l’intégration africaine. Il est vrai que
Adama BICTOGO a été limogé le 22 mai 2012 mais c’est un épiphénomène car il
n’est pas la seule personne à ne pas avoir sa place dans un gouvernement
démocratique. Ce limogeage ne
sanctifiera pas le Président OUATTARA. Il y a peu, c’était l’affaire
SATAREN-GREENSOL, concernant le ramassage des ordures ménagères où Anne OULOTO
était citée. Si elle était innocente dans cette affaire, pourquoi la direction
des marchés publics a-t-elle remis en cause le marché attribué à l’entreprise
au centre du scandale ?
Il
y a eu également, l’affaire CELPAID où KANDIA Camara a octroyé de gré à gré le
marché des inscription en ligne à CELPAID, une entreprise de Mamadou SANOGO,
ministre de la construction.
Quant
aux évasions dans les prisons, les ivoiriens n’ont pas compris pourquoi ce sont
deux régisseurs qui ont subi la petite foudre du Président de la république
laissant les hauts responsable en liberté.
Lorsque
le Président OUATTARA rappelle à ses ministres qu’ils ont signé un code
d’éthique, ces derniers lui reproche son train de vie luxurieux. En effet, les
cris stridents de souffrance poussés par les populations du fait de la cherté
de la vie sont inaudibles pour le régime Ouattara qui est devenu autiste. Il
préfère s’acheter des avions dès lors qu’on lui présente un catalogue.
Que
dire du budget de la Présidence qui s’élève à 104 milliards de franc CFA ?
Pendant que les ivoiriens souffrent, le clan à la Présidence nage dans une
rivière de milliards. Birahima Ouattara, le frère du Président est à la manette
et veille également sur les comptes du
RDR, le parti d'Alassane OUATTARA. D'ailleurs le député de Kong est aussi ministre des questions présidentielles. Dans le partage du gâteau, Dominique Nouvian Ouattara n’a pas été oubliée car elle
est nommée présidente du conseil de surveillance du comité national de lutte contre la traite, l`exploitation et le travail des enfants.
RDR, le parti d'Alassane OUATTARA. D'ailleurs le député de Kong est aussi ministre des questions présidentielles. Dans le partage du gâteau, Dominique Nouvian Ouattara n’a pas été oubliée car elle
est nommée présidente du conseil de surveillance du comité national de lutte contre la traite, l`exploitation et le travail des enfants.
2. La démocratie
est tombée en désuétude
Le terme de démocratie fait référence a un
type de société particulier, de même qu’à une forme de gouvernement particulier.
Une société démocratique offre la méthode de gouvernance la plus juste pour la plupart
des citoyens et la plus égalitaire, la majorité des citoyens y jouant un rôle
actif plutôt que passif.
La démocratie libérale
se caractérise par la primauté du droit, la séparation des pouvoirs, la
protection des droits de l’homme et la protection des minorités. En vertu de la
primauté du droit, gouvernement et judiciaire ne fonctionnent que sur la base
de règles écrites. Ce principe est étroitement lié à celui de la séparation des
pouvoirs, selon lequel le législatif (le parlement), l’exécutif (le
gouvernement) et le judiciaire (les tribunaux) opèrent indépendamment les uns
des autres.
Disons simplement
et fondamentalement que la démocratie
c’est le règne du droit.
Mais depuis
la prise de pouvoir par le Président OUATTARA, on assiste à une déferlante anticonstitutionnelle. Il fait
élire, par le biais d’un bidouillage juridique, son ancien premier Ministre, Guillaume SORO, au perchoir de
l’Assemblée nationale alors que celui-ci n’avait pas l’âge requis selon les
dispositions constitutionnelles.
C’est par ordonnance que le
Président a créé les FRCI, alors que selon la loi constitutionnelle, la prise des ordonnances est soumise
à l’autorisation de l’Assemblée Nationale.
Que dire de
l’opposition qui est marginalisée. L’opposition a été écartée de toutes les
décisions engageant la nation. Elle a été réprimée dans l’indifférence totale
de la communauté internationale qui, pourtant, promettait accompagner la
démocratie en Côte d’Ivoire. Or, l’opposition constitue un contre-pouvoir puisqu’elle permet d’éviter que la majorité, une
fois parvenue au pouvoir, n’ait la tentation de mener une politique portant
atteinte aux droits et libertés. L’opposition
participe à l’existence du pluralisme politique, qui est une des bases
de la démocratie. Ce pluralisme permet de choisir ses gouvernants. Or, il n’y a
de choix véritable que si l’électeur peut se prononcer entre plusieurs
possibilités. Ainsi, l’opposition, en proposant un nouveau cours à la politique
nationale, permet aux citoyens éventuellement mécontents de disposer d’un
recours.
Vous êtes un
opposant au régime OUATTARA, si vous n’allez pas dans son sens, vous êtes mort
car selon le secrétaire général par
intérim du RDR « tous ceux qui s’en prennent au président Ouattara
finissent au cimetière ». La raison est simple : chaque critique
contre le Président est l’occasion pour le régime de designer des ennemis de
l’intérieur.
A
« ADODOUGOU », la démocratie est simplement tombée en désuétude.
3. Le non-respect
des droits humains
La promotion des droits humains est un objectif de la politique
extérieure dans d’autres pays. En collaboration avec d’autres Etats, avec la
société civile et des experts, certains pays s’efforcent d’améliorer la
situation des droits humains pour le plus grand nombre de personnes dans le
monde. La concrétisation des
droits humains dans le monde se heurte toujours à de grandes difficultés. Le
respect des droits humains dépend de la bonne volonté des différents
Etats. Telle est la situation dans notre
pays sous le Président OUATTARA.
Depuis Avril 2011, de
nombreuses arrestations de personnalités politiques de l’opposition, de l’armée
et de la société civile ont eu cours en dehors de toutes procédures légales.
Ces personnes sont déclarées coupables avant même tout jugement.
Si vous faites un tour dans
les prisons ivoiriennes (civiles et militaires), vous constaterez une situation qui provoque stupeur et indignation. En effet,
les honnêtes ivoiriens sont incarcérés sans jugement. « L'arrestation
de Gbagbo va apporter "la paix" », c’était les mots du tristement
célèbre Claude Guéant, le 11
avril 2011. Selon lui, l'arrestation du président ivoirien sortant Laurent
Gbagbo va permettre au pays de "connaître la paix et un regain d'essor
économique". Peut-on avoir un essor sans un minimum d’Etat de droit, sans
une santé pour tous, avec les universités fermées ? Peut-on avoir un essor
dans un pays où les vainqueurs jouent aux shérifs en criant chaque jour aux
indiens ? Peut-on avoir un essor lorsque dans un pays les vaincus ont la
peur au ventre ?
Sous le Président OUATTARA, tout est devenu obligation et contrainte.
Comme dans le code de l’indigénat, les ivoiriens ont des devoirs mais pas de
droits.
4. Le
développement de l’insécurité et de la cherté de la vie
En Côte d’Ivoire, l’insécurité a
atteint son paroxysme même si les autorités tentent de cacher « le soleil
avec une main ». Le Président-ministre de la défense et son ministre délégué
à la défense ne maîtrisent pas la situation. Le 21 mai 2012, à l’Ouest du pays,
dans le village de Dahoua, des individus armés ont dépossédé les villageois de
leurs biens. Le 25 avril 2012, dans la région de Taï, à Sakré, huit personnes
ont péri dans une attaque des hommes armés. En septembre 2011, dans les
villages de Ziriglo et de Nigré, près de 20 personnes ont été tuées lors d’une
attaque.
Le Président n’arrive pas à protéger
les ivoiriens et leurs biens. Quel est
donc son rôle ? La réponse saute aux yeux : son armée a plusieurs
commandements et les soldats sont mal formés.
En plus, le
Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (DDR) en Côte d’Ivoire, n’est pas une réalité. Les dozos et les
FRCI tardent à quitter les rues où ils font des exactions en
toute impunité. D’ailleurs, ils disent n’avoir aucun traitement financier de la
part de leur mentor. Du coup, ils multiplient les braquages, et se
transforment en coupeurs de route partout dans le pays.
Ne
pouvant rien faire au niveau sécuritaire, le Président OUATTARA se contente de
temps à autres de bander un peu les muscles lorsque les FRCI tuent des malinkés
à Vavoua. Le Président tape sur la table, menace et lance des ultimatums pour
qu’ils soient encasernés, rappelant que les FRCI sont une armée républicaine et
qu’elle doit assurer la sécurité des populations. Par contre quand ces mêmes
FRCI tuent des populations autres que des malinkés a Arrah, le Président exige
que les populations respectent les FRCI, l’armée nationale, demandant aux FRCI
de faire régner l’ordre face à des populations considérées comme réfractaires à
son régime.
Ces
FRCI continuent de tuer. Cette force étrange a tué une femme et de surcroît
une femme enceinte, le 21 mai 2012 à OUARAGAHIO. Cette balle perdue d’un dozo qui voulait régler
ses compte avec un ex-FRCI, a tué cette pauvre femme qui vaquait à ses
occupations quotidiennes.
Finalement, dans la
dialectique du maître et de l’esclave, ce sont les FRCI qui sont devenus les
vrais maîtres et nous les esclaves, y compris le Président OUATTARA. Une solution est cependant possible : il
suffit de former une armée nationale. Dans l’opinion nationale, les FRCI sont
perçus comme les combattants des ex-Forces nouvelles. Les ivoiriens ont
peut-être raison car les gendarmes et les policiers sous
l’ancien régime sont purement et
simplement des commis des FRCI au même titre que les commis de
sous-préfecture ! Les premiers
n’ont pas d’armes, comment pourront-ils aider les seconds à sécuriser les
ivoiriens et leurs biens ? Poser la question aux nouvelles autorités,
elles vous diront que le Président OUATTARA ne fait pas confiance aux anciens
agents des forces de défense. Ils ne doivent donc pas avoir des armes.
Pourtant, on a dit aux ivoiriens qu’aux
dernières présidentielles, les militaires ont voté à 60% pour le
Président Alassane OUATTARA.
A côté de l’insécurité, les ivoiriens ne sont
pas à l’abri d’une insécurité alimentaire. La cherté de la vie érode leurs
pouvoirs d’achat à tel point qu’ils vivent une misère imméritée. La lutte contre
la cherté de la vie tant prônée par le gouvernement n’est pas encore visible
sur le terrain. Son ministre du commerce, certainement dépassé, s’est emmuré
dans ses bureaux, laissant les ivoiriens seuls. Le kg de riz communément appelé
«déni-kacha», le sac de riz de 25 kg (papillon) , le kg de viande de bœuf, le
carton de poisson, l’huile, le piment, l’électricité, et même les légumes, ne
sont plus accessibles à l’ivoirien moyen. Sous le Président Alassane OUATTARA,
c’est la désillusion totale.
Conclusion
Au
cours de la campagne présidentielle 2010, Alassane Dramane Ouattara a fait,
entre autres, la promesse d'une gestion morale inattaquable des affaires de
'Etat. Il a promis améliorer le bien-être des populations ivoiriennes. Le
constat est tout autre et il nous demande d’aller à la réconciliation. Sur ce
point, il est admis qu’un pays déchiré ne peut aspirer aux délices du
développement. Pour autant, c’est en hommes libres que nous entendons entrer
librement dans le processus de réconciliation. Or nous ne sommes pas libres. Les
latins disaient déjà : Ubi liberta, Ibi patria. « Où est la liberté,
là est la patrie ».
[i] In Règle d’or éthique pour la politique de
développement / H.B. Peter, M. Kraut.- Berne : DDC, 2000.
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