jeudi 15 octobre 2009
C`est manifestement un tournant dans l`enquête sur les présumés "détournements massifs" dans la filière café cacao. En effet, quatre ex-dirigeants et non des moindres, ont décidé, bien qu`étant en prison, de ne plus répondre aux convocations du Doyen des juges d`instruction, le magistrat Ladji Gnakadé, en charge du dossier. Il s`agit d`Henri Kassi Amouzou (ex-président du conseil de gestion du Fdpcc), Kouassi Théophile (ex-Dg du Fdpcc), Aka épouse Elloh Evelyne (ex-Dg de Coco Service) et Houssou épouse Obodji Roselyne (ex-Daaf du Fdpcc). En plus de ne plus vouloir s`expliquer sur cette affaire devant le juge d`instruction, ils ont également demandé à leurs avocats de se "déporter" c`est-à-dire, informer le juge qu`ils ne suivront plus la procédure pour le compte de leurs clients tant qu`il n`y aura pas un changement dans la conduite de l`enquête. Ils se récusent donc dans cette procédure devant le juge d`instruction. C`est du moins ce qui ressort d`un courrier adressé au juge d`instruction et dont nous avons eu copie (voir fac similé). De source judiciaire, il ressort que les avocats en question ont effectivement informé le juge de leur décision, hier mercredi 14 octobre. Et cette décision extrême prise par les quatre détenus signifie d`abord que ces derniers ne font plus confiance au juge d`instruction qu`ils soupçonnent de mener son enquête avec partialité. Ensuite, elle signifie (et cela est la conséquence de ce qui précède) qu`ils récusent le juge d`instruction qu`ils ne considèrent plus comme apte à mener les enquêtes "…la confrontation avec le ministre Dano Djédjé Sébastien nous a paru totalement biaisée en ce que les vrais problèmes n`ont pas été abordés. Nous ne nous expliquerons désormais que devant le Tribunal Correctionnel s`il était saisi avant le 29 novembre 2009". Comme nous l`écrivions hier, le juge d`instruction a décidé de prolonger la détention préventive des ex-dirigeants de 4 nouveaux mois pour (selon une source judiciaire) "la sauvegarde des preuves et la manifestation de la vérité". Et cette nouvelle prolongation qui court jusqu`au mois de février 2010 est perçue par les ex-dirigeants emprisonnés, comme une volonté manifeste de la part des "commanditaires" de tout mettre en œuvre pour ne pas qu`il y ait procès avant l`élection présidentielle. C`est ce qui explique le délai du 29 novembre fixé par les quatre ex-dirigeants pour que leur dossier soit transmis au Tribunal correctionnel par le juge d`instruction. Il apparaît donc clairement qu`il y a, au jour d`aujourd`hui, une véritable crise de confiance entre le Doyen des juges d`instruction et ces détenus. La question qui se pose à présent est de savoir ce que va faire le juge d`instruction devant cette attitude. Va-t-il contraindre les détenus par la force publique à se rendre dans son cabinet comme la loi lui en donne le droit ? Et dans ce cas, peut-il les obliger à parler s`ils refusent de le faire ? Rien n`est moins sûr. Mais au-delà de tout ce qui pourrait se passer, la décision des 4 détenus est la manifestation du ras-le-bol de ces derniers devant une procédure politiquement surmédiatisée à son début et qui dure depuis maintenant 16 mois sans que nul ne sache si les accusations "télévisées" portées en violation du principe constitutionnel de la présomption d`innocence, aient été étayées par un début de preuve. Et le fait que des détenus dénoncent le juge d`instruction ne rassure personne quant à la suite de cette procédure. "La constitution a changé le statut de la justice qui est passée d`Autorité judiciaire à Pouvoir judiciaire. Tout ceci exige des magistrats qu`ils exercent leur office avec honneur et dignité, dans la rigueur et le respect scrupuleux de la loi. Le juge n`a pas pour mission de rendre des services à quiconque et c`est pour cela qu`il n`est soumis seulement qu`à l`autorité de la loi. Si ceci est compris et préservé, la justice sortira grandie de cette affaire au bénéfice de la République de Côte d`Ivoire" avait dit M. François Komoin (ancien président du Tribunal de Plateau) la semaine dernière dans les colonnes de Fraternité matin, à propos justement de cette enquête dans la filière. La suite de la procédure lui donnera-t-elle raison ?
ASSALE TIEMOKO
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