“Pourquoi seulement maintenant ?”
Une correspondance de Sansan Kouadio
lundi 22 octobre 2007 - Par 24 Heures
Les Ivoiriens ont suivi avec beaucoup d’attention l’interview que la RTI a bien voulu accorder au chef de l’Etat ce 17 octobre 2007.Toute la Côte d’Ivoire à cette occasion a été édifiée sur la capacité ou non du FPI à gérer la Côte d’Ivoire.Notamment en ce qui concerne la filière café-cacao.Un secteur honteusement pillé par une bande de refondateurs à l’appétit pantagruélique.Cherchons donc à comprendre pourquoi le Président Gbagbo a brusquement décidé d’ouvrir les yeux après sept années de politique de l’autruche sur ce qui apparait aujourd’hui comme le plus grand scandale en Côte d’Ivoire après 47 ans d’indépendance.La décision du chef de l’Etat d’ouvrir une enquête sur la gabegie qui a cours dans la filière, se heurte notamment à un certain nombre de constats qui permettent de douter de la réelle volonté du chef de l’Etat de sévir contre les bandits à col blanc qui ont jonglé avec les milliards générés par le principal produit d’exportation de la Côte d’Ivoire : pourquoi seulement maintenant ? Osera t-il frapper ses plus proches collaborateurs si l’enquête démontrait leur implication dans le scandale ? Peut-on faire confiance à la Justice ivoirienne dans un secteur où elle s’est plus d’une fois discréditée ? Pourquoi seulement maintenant ? Le Président Gbagbo a mis du temps à se décider à agir parce que d’abord, a-t-il affirmé devant toute la Nation, la gestion de la filière est une affaire privée.A l’en croire, la seule préoccupation de l’Etat de Côte d’Ivoire, c’est l’impôt prélevé sur le produit ; le droit unique de sortie (DUS) qui oscille entre 250 et 260 milliards de FCFA.L’impôt prélevé, le reste est une affaire privée ! Mais, bien entendu, la filière étant un secteur stratégique, il fallait se résoudre enfin à agir… Les Ivoiriens ont-ils gobé cette explication ? Il faut croire que non.Souvenons-nous de ce que, en octobre 2003 déjà, lors d’un séminaire qui avait pour thème « Diagnostique et perspectives de la filière café-cacao par les producteurs », à Yamoussoukro, les planteurs, inquiets de la mauvaise gestion des structures de la filière, ont tiré la sonnette d’alarme.A l’issue des travaux qui ont sanctionné le séminaire, les conclusions ont mis en lumière les dangers qui guettent ce secteur vital et ont tenté d’y apporter des solutions.L’Etat de Côte d’Ivoire représenté par le ministre de l’Agriculture Amadou Gon qui présidait le séminaire et le premier ministre Seydou Elimane Diarra qui en assurait le parrainage, ont reçu les résultats des travaux.L’Etat était donc présent.Comment peut-on parler de gestion privée quand parmi les structures de la filière, il existe l’Autorité de régulation du café-cacao (ARCC) qui est une société d’Etat ? Mieux, tout le monde sait que dans toutes les structures de la filière, siègent dans les conseils d’administrations des agents de l’Etat dont certains ont un droit de veto lors des réunions.Là encore l’Etat est présent.Le plus beau, c’est que depuis 2006, par le décret N° 2006 du 24 février 2006 le Président Gbagbo a lui-même en personne institué un comité chargé de l’examen et du suivi des projets et programmes de la filière café-cacao et fixant les modalités de décaissement des redevances « FDPCC-investissements » et « réserve de prudence ».En clair, face à la gabegie qui a cours dans la filière, le chef de l’Etat a décidé de retirer la gestion des fonds aux responsables de structures pour les confier à l’ARCC, société d’Etat, sous haute surveillance d’un comité interministériel.Il savait donc parfaitement ce qui se passait dans la filière.On ne peut alors expliquer son absence de réaction face aux indélicatesses par le souci de ne pas céder à la rumeur.D’ailleurs, le même 24 février par le décret N° 2005, il s’est permis de prolonger pour un an supplémentaire, le mandat des administrateurs du FDPCC.Le chef de l’Etat l’aurait-il fait si en réalité le FDPCC était exclusivement assujettie à une gestion privée ? La vérité, c’est que le Président aurait pu depuis longtemps agir s’il l’avait réellement voulu.Nous pensons que sa réaction ces jours-ci, n’est due qu’à l’ampleur du scandale sur le faramineux détournement orchestré par les responsables du FRC suivi d’une opération de blanchiment maquillé de façon maladroite par le prétendu achat d’une usine à Fulton aux Etats-Unis.La dimension internationale qu’a prise cette affaire, la saisine de la banque mondiale et du FMI par des victimes, la perspective de procès aux USA, ont contraint le chef de l’Etat à se secouer pour éviter d’être abondamment éclaboussé par cette affaire.Dans la foulée, il s’est cru obligé d’anticiper un certain nombre de mesures qui, immanquablement devraient être prises par la suite.Osera t-il frapper ses plus proches collaborateurs si l’enquête démontrait leur implication dans le scandale ? L’affaire devient intéressante quand on regarde la qualité de ceux qui sont cités en première ligne dans les différents scandales.Pour ce qui concerne l’usine de Fulton, les poissons sont énormes.La présidence du conseil d’administration du FRC, Angeline Kili est une privilégiée de la Cour présidentielle.Elle mène dit-on grand train de vie et a une relation particulière avec le président du FPI (parti du Président Laurent Gbagbo).La frapper serait de toute évidence, toucher Affi N’Guessan.Osera t-on frapper le FPI à la tête ? Le directeur général du FRC, Firmin Kouakou, est le directeur de campagne du candidat Laurent Gbagbo à Bouaflé.Bien entendu, par sa fonction, il est au cœur du scandale.De même Amon Jean-Claude, conseiller spécial du chef de l’Etat, est cité dans cette sale affaire.Le Président Gbagbo acceptera t-il une auto flagellation ? Ainsi, dans les autres structures de la filière, notamment au FDPCC, on avance d’énormes détournements de fonds et de scabreuses acquisitions d’entreprises qui méritent que l’on s’y penche.Qui sont les actionnaires des sociétés FOREXI, SIFCA-COOP, CORI, COCO SERVICES, MOTORAGRI, TABAGNE CHAMPAGNE, ROUGER-PHARMA, etc.rachetées à tour de bras par Amouzou ? Pourquoi de hauts cadres du FPI comme Zoungrana Placide, directeur de campagne du Président Gbagbo à Toumodi, sont cités comme figurant sur une liste de présumés complices de détourneurs de fonds ? Si Henri Amouzou est dans le viseur, on n’hésite pas à affirmer que cet homme a dû sa longévité et son impunité au fait de sa grande propension à sortir généreusement d’importants fonds pour de très hauts responsables dans l’entourage du Président.Quelques fois, parmi des intimes du chef de l’Etat.L’arrêter pourrait actionner une véritable bombe qui exploserait au cœur du pouvoir FPI qui se passerait bien, à cette période de campagne, d’une telle publicité.Peut-on faire confiance à la Justice ivoirienne dans un secteur où elle s’est plus d’une fois discréditée ? Nombreux sont les planteurs qui sont sceptiques quant aux résultats d’une enquête diligentée par le Procureur de la République.Depuis pratiquement trois ans, des procès en cascade sont intentés avec tous les arguments juridiques pour démettre Henri Amouzou.Face aux échecs successifs enregistrés, d’aucuns ont fini par conclure à une implication de l’appareil judiciaire dans le non aboutissement des poursuites contre le super-patron de la filière.Il se raconte que d’étourdissantes sommes d’argent circulent au Palais chaque fois qu’il s’agit de la filière café-cacao.L’appareil judiciaire se résoudra t-il enfin, avec ce feu vert du chef de l’Etat, à mettre en toute conscience, les pieds dans le plat ? Le procureur de la République fera t-il mentir tous ceux qui pensent qu’il n’aura pas le courage de frapper des hommes du pouvoir ou des amitiés personnelles que l’on lui soupçonne dans la filière café-cacao ? Le président Gbagbo est dans la quadrature du cercle.Ne pas aller au bout de la logique de la sanction des cadres malhonnêtes pourrait lui être très préjudiciable.Déjà, ses adversaires politiques se frottent les mains et affûtent leurs armes devant l’ampleur de ce scandale sans précédent.Or, agir sans aucune mesure, pourrait frapper son parti au plus haut niveau, au risque d’y provoquer une crise interne.Les adversaires internes d’Affi N’Guessan jubilent déjà.Et du côté des militants, on s’offusque de cette boulimie des cadres du FPI et de leur train de vie insolent, alors que des milliers de jeunes désargentés, sans emploi ou au chômage, qui ont servi de chair à canon au plus fort de la crise ne savent même plus à quel saint se vouer.
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